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De la fête des fous à la folie de la Fête

Photo du rédacteur: Michel TeheuxMichel Teheux

Dernière mise à jour : 11 mars

Mercredi des Cendres - 5 mars 2025

Évangile selon saint Matthieu 6, 1-6.16-18


Mercredi des Cendres - Église Saint-Pierre - 5 mars 2025
Mercredi des Cendres - Église Saint-Pierre - 5 mars 2025

La fête des fous… l’actualité, malheureusement devient, de jour en jour plus dramatiquement une comédie tragique. Si les enjeux n’étaient pas graves ne faudrait-il pas nous moquer des pantalonnades proches du guignol que nous offrent ceux qui, pourtant, détiennent aujourd’hui les clefs de l’avenir du monde. Si le bien-être de nos villes n’était menacé ne faudrait-il pas nous distraire des westerns chaque jour à la une de nos journaux ?...

 

La fête des fous… notre monde semble plus que jamais soumis à la loi du plus fort, au mépris de l’autre, des engagements qui scellaient le respect mutuel. Et que dire de l’individualisme et du repli identitaire, hydre galopante qui infecte les rapports internationaux et nos relations personnelles ? La fête des fous lorsque les paradis artificiels deviennent les prétendus dérivatifs d’un mal être de plus en plus omniprésent…

 

Serions-nous donc condamnés au surréalisme d’un monde où la violence, l’égocentrisme, l’injustice instituée, le mensonge sont devenus les règles de vivre ensemble et les lignes maîtresses de nos valeurs personnelles ?

Le temps est venu de jeter nos masques de fête des fous : le carême, ces 40 jours pour nous restructurer, nous est donné pour passer du carnaval à la transfiguration de Pâques.

 

Quarante jours d’iconoclasme pour nous arracher à la désespérance qui pourrait engendrer la constatation douloureuse de notre condition tragique.

Quarante jours pour arracher quelque peu la défiguration née des masques de la fête des fous. Quarante jours pour être convertis. Retournés. Quarante jours d’arrachement pour laisser transparaître l’être profond, à l’image et à la ressemblance de notre Créateur, notre être baptisé, configuré à l’image du Christ, image du Dieu invisible.

 

Au seuil de cette route et de cet itinéraire, le geste des cendres. La cendre, froide et sèche, qui fit la fragilité de l’existence, la poussière de notre paysage, le goût amer de nos prétentions à exister par nous-mêmes. Qui dit bien que toute existence est intrinsèquement marquée d’un signe de mort : Tu es poussière et tu retourneras en poussière !

 

Le carême nous dit : bas les masques ! dépouillement ! Pour nous arracher aux idoles : notre vie comme un « sauve qui peut » indifférent aux détresses des autres, nous prétendions à tenir debout tout seuls, nos rêves de tout savoir et de tout vouloir, tout de suite, d’être transparent, sans équivoque et sans compromission, sans compromis.

Iconoclasme de nos prétentions sacrilèges, de nos autonomies mortifères, de nos moralismes irréalistes. Les masques que nous revêtons ou qu’on nous fait porter sont toujours proches de l’idole. Et l’idole arrête à elle-même au lieu d’être passage vers un au-delà, elle exige déférence au lieu d’être invitation à sonder le mystère.

 

Au seuil de notre carême, ce geste inaugural qui accepte de jeter bas les masques d’une prétention illusoire d’être des pierrots joyeux, de nous démaquiller pour accepter les rides de nos existences, la fragilité de nos entreprises, les échecs de nos prétendues victoires. Pour éteindre les lampions de la fête des fous. Nous ne sommes que des pauvres hommes, glaise devenue poussière.

 

Quarante jours d’iconoclasme. Mais pour que la glaise repétrie soit comme dans le jardin du premier jour. Amoureusement. Divinement. Pour reprendre notre vie en mains et nous attacher à refigurer la face de la terre.

Au seuil du carême, une parole de genèse nous est imposée. Prends la terre à pleines mains, bâtis une demeure où il fera bon vivre en frères ; la terre d’où tu viens, la matrice, est aussi à habiter, pour la changer, la transformer. Si la cendre est la pressente invitation à mettre bas les masques, c’est pour transfigurer nos idoles et nous rendre capables d’être revêtus de l’Homme Nouveau. « Ce qui vous est donné ne transparaît pas encore, devenez ce que vous êtes « ! (Paul).

 

Au creux de nos mains, sur nos fronts, la cendre. Pour nous mettre en route vers Pâques : tu es plus que la poussière ; sous la cendre, les braises demandent à te réchauffer. Il n’y a de carême que pour être transfiguré au Christ ressuscité : la cendre deviendra le Feu Nouveau de la Nuit Pascale et c’est Dieu lui-même qui s’émerveillera après avoir pétri ton visage de glaise et ton masque de terreux : Ah que c’est beau, l’homme sorti de nos mains.

 

La fête des fous, en cette Nuit Pascale, deviendra par grâce la Comédie del Arte du Dieu Sauveur.

 

 

Michel Teheux





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