Commémoration de tous les défunts - 2 novembre 2024
Évangile selon saint Jean 6, 37-40
Le 2 est le lendemain du 1 ! Pourquoi ne pas prendre en compte cette évidence, qui n’est pas due au hasard du calendrier liturgique. Nous ne pouvons fêter le jour de la « commémoration des fidèles défunts » qu’à la lumière du jour de la « Tous saints ».
Hier nous criions « Victoire » ! en contemplant dans la foule innombrable de tous les sans grade glorifiés l’assumation par Dieu de leur choix : « Heureux les pacifiques, heureux ceux qui font miséricorde, heureux ceux qui espèrent encore, malgré tout » ! Aujourd’hui nous faisons profession de foi que Dieu, de même, assume tout ce qui a tissé la vie de nos proches, au-delà même de leur mort.
Nous croyons à la vie éternelle ! Le 2 novembre devrait être la fête de cette attestation : nous commémorons, nous faisons mémoire – ce qui est bien plus que de se souvenir. Nous ne regardons pas avec nostalgie vers ce qui n’est définitivement plus, mais nous nous tournons vers le passé et nous attirons sa force dans le présent pour en vivre. Nous rendons grâce pour ceux qui ont été, dans les bons et les mauvais jours, fidèles à leur vocation de chrétiens. Nous confessons que là, dans le peu qu’ils ont vécu de l’Évangile, se jouait quelque chose de l’actualité de Pâques : ils étaient disciples de Jésus, « chrétiens », ils sont, pour l’éternité, identifiés au Christ car, tout au long de leur vie mortelle et aujourd’hui pour eux « vivre c’est le Christ » !
Annoncer la vie éternelle et rendre grâce pour son épanouissement en nos frères « fidèles défunts », c’est proclamer le réalisme de la victoire pascale : rien de ce qui nous est familier, de ce qui fait le quotidien de notre vie et sa banalité, n’est étranger à cette victoire.
Nous croyons en la vie éternelle. Nous annonçons, avec raison, un Dieu d’amour, un Dieu de miséricorde et de pardon. Ce message est plus actuel que jamais dans un monde tenté par les replis identitaires, les fatalismes égoïstes, les incertitudes desséchantes. Annoncer la Résurrection comme source d’espérance au-delà même de la mort et de la croix est vital pour le monde.
Tant d’hommes et de femmes sont marqués par la souffrance, dans leur corps, leur cœur, leurs espoirs. Les messages quotidiens de violence et d’injustice nous agressent. Nous osons croire en la vie éternelle. Nous ne croyons pas à une vérité froide, neutre et, pour tout dire sans effets sur notre existence ; nous ne croyons à une thèse qui, au mieux, pourrait nous rassurer.
Nous croyons en la vie éternelle : nous nous fions « credere » en latin concerne la « fides », la confiance en la puissance de vie inscrite en tout geste de vie. Dérisoires sont les efforts pour instaurer la justice entre les individus, entre les peuples, mais chaque geste de justice est marqué de vie éternelle et anticipe symboliquement, sacramentellement et donc réellement, un monde où tous sont frères. Aléatoires sont les gestes d’apaisement de souffrance, mais chacun d’eux est marqué de vie éternelle et anticipe symboliquement, sacramentellement, donc réellement une vie épanouie pour chacun et pour tous. Croire en la vie éternelle c’est faire confiance en la vie. En tout. À tout jamais.
Lorsque nous faisons mémoire des fidèles défunts, nous nous appuyons sur le jeu de la puissance de la vie qui s’est incarnée en leur vie, maladroitement, dérisoirement, pour conforter notre espérance en la vie qui est victorieuse pour toujours. Nous attirons ce qui a été en leur vie puissance de vie pour relancer les forces de vie assumées désormais en la Vie. C’est pour cela qu’ils ne sont pas morts.
Michel Teheux