Année B — Toussaint — 1er novembre 2024
Évangile selon saint Mathieu 5, 1-12a
Tous saints… fête de tous ceux qui sont témoins de la réussite possible de l’Évangile ! Allégresse de l’immense assemblée de tous ceux qui, hier comme aujourd’hui, attestent que le monde à l’envers est la réalité de Dieu.
« Le saint est un mort : dans ce monde, il n’est plus au monde. L’Église canonise encore, mais languissamment, ses fidèles eux-mêmes ont le sentiment obscur que les saints appartiennent au passé. La sainteté me répugne (…) elle n’a qu’un seul usage aujourd’hui permettre aux hommes de mauvaise foi de raisonner faux ». Qui ne reprendra à son compte ce jugement acide de Jean-Paul Sartre ? Si la sainteté consiste en la triste gloire que l’on nous a souvent montrée en exemple : je vous le dis : un saint triste est un triste saint !
Nous avons fait des saints des héros exceptionnels, des vertus canonisées. Grâce à Dieu, en fêtant ce 1er novembre la foule de ceux qui, tout au long de leur vie, ont fait fructifier la graine de la foi dans une terre souvent ingrate, l’Église donne une autre image de la sainteté.
« Heureux le peuple de ceux qui cherchent Dieu ». Heureux le cortège des petits et des sans-nom qui, jour après jour, ont tenté de donner corps à l’Évangile. Bienheureuse, la cohorte de ceux qui fondent leur vie sur une nouvelle impensable !
Etrange litanie : bienheureux les pauvres, les affamés, ceux qui pleurent et sont persécutés. Est-ce là un programme de joie et de bonheur ? La pauvreté, nous la rejetons, nous condamnons la faim, l’injustice et le malheur nous révoltent !
Faut-il s’étonner si un tel projet engendre de « tristes saints » ?
A moins que quelque chose n’ait précédé ces exigences : l’annonce de l’avènement définitif du Règne de Dieu. Les Béatitudes engendrent alors les ressuscités : elles reconnaissent ce qui les précèdent, la proclamation et non l’acceptation personnelle du salut en Jésus, le Christ. « Heureux » n’est pas un point de départ mais une conclusion : « Dieu vous propose son salut ; en Jésus vous êtes sauvés, donc vous êtes heureux » !
Bienheureux saints rayonnants !
Bienheureux Zachée : ce fut fête pour toi lorsque le Seigneur entra chez toi pour souper, tu as pu renoncer à tes biens mal-acquis.
Bienheureuse Madeleine : ce fut fête pour toi lorsque tu te précipitas chez Simon pour pleurer aux pieds du Maître, tes larmes furent séchées, tu fus relevée, pardonnée.
Bienheureuse femme de Samarie : tu rencontras le Seigneur au bord du puits et il a assouvi ta soif, tu as pu courir annoncer la Nouvelle.
Bienheureux vous tous qui avez cru que Dieu peut changer la vie, renverser l’ordre de des choses. Heureux vous qui libérez votre cœur pour aimer. Heureux vous qui êtes ouverts à l’inattendu et l’inespéré.
Heureux vous qui partagez les peines et les souffrances des autres, vous qui, en pleurant, êtes encore capable de lutter et d’aimer au lieu de ne gémir que sur vous. Heureux vous les doux, les tenaces, les patients, vous qui regardez l’avenir avec sérénité. Heureux les affamés de justice, qui avez faim du salut que Dieu propose, qui avez soif de la justice pour tous les hommes ! Heureux ceux qui ont un cœur comme Dieu, heureux les miséricordieux ! Heureux les cœurs purs, ceux qui font la transparence en eux, ceux qui font la vérité entre les hommes. Heureux ceux qui tissent les liens de fraternité, Dieu leur donne déjà sa paix à vivre ! Heureux ceux qui souffrent parce qu’ils croient en l’amour. Bienheureux ceux qui sont malmenés parce qu’ils mettent leur espérance en Dieu et en l’homme.
Oui, heureux vous tous qui rayonnez du salut que Dieu donne : les cicatrices de vos renoncements dessinent votre visage de gloire. Heureux vous qui vivez le monde à l’envers des Béatitudes : vous l’affirmer, la vie ne va pas à la mort mais à la vie éternelle ! Heureux vous qui avez des têtes de ressuscités.
Michel Teheux