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Sur la grande-roue de l’humilité

  • Photo du rédacteur: Frédéric Kienen
    Frédéric Kienen
  • 31 août
  • 4 min de lecture

22e dimanche du temps ordinaire - 31 août 2025

Si 3, 17-18.20.28-29 ; He 12, 18-19.22-24a et Lc 14,1.7-14


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La semaine dernière, en me promenant à la foire de Huy, étant de l’autre côté du pont près de la Collégiale, on ne peut pas la manquer : ses couleurs, ses musiques et sa hauteur, le tout enveloppé d’odeurs de lacquemants et de croustillons. Là, j’ai croisé des familles qui attendaient leur tour pour monter dans la grande-roue. Pourtant, une s’était mise un peu à l’écart et semblait hésiter : le petit garçon voulait absolument y monter, il voulait voir la Meuse, l’autre bout de la foire, le fort et même, disait-il dans son innocence, « le monde entier » depuis tout en haut. D’abord hésitante (de ce que j’ai pu entendre la maman avait le vertige) et sous l’insistance du garçon et du papa, ils y sont finalement montés ensemble. Plus tard, comme un heureux hasard, en les voyant redescendre, j’ai entendu le petit garçon dire à sa mère toujours un peu livide, mais souriante : « Tu vois, maman… il ne fallait pas avoir peur car quand on est tout en haut, on se sent léger… mais quand on est tout en bas, on peut remonter encore. » Pour la suite, je vous laisse imaginer la tête de la maman devant cette proposition… l’éclat de rire très empathique du papa… et la réponse donnée au garçon.


En réalité, chers Frères et Sœurs, cette grande-roue nous offre une image parlante de ce que la Parole de Dieu nous enseigne aujourd’hui : pour atteindre la vue la plus belle, il fallait d’abord accepter de descendre en acceptant nos appréhensions, notre condition ; et ce, afin de s’asseoir tout en bas, presque au niveau du sol, et puis de patienter… non pas seul, mais bien entouré par l’encouragement du Fils qui nous tient la main. Sans ce point d’abaissement initial, impossible de s’élever. Mais reprenons ensemble nos Lectures pour saisir le sens de cette humilité comme une expérience vitale pour notre foi, c’est-à-dire en vivant l’abaissement, non pas comme une humiliation stérile, mais bien comme un passage qui conduit à l’élévation dans l’amour de Dieu.


Tout d’abord, Ben Sira le Sage – appelé également l’Ecclésiastique ou le Siracide – nous dit : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser ; tu trouveras grâce devant le Seigneur. » Ici, vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de rabaisser l’homme, mais plutôt de l’inviter à une juste attitude devant Dieu et devant les autres. En utilisant une métaphore « foireuse », celui qui se croit déjà tout en haut de la grande-roue avant même qu’elle ne démarre risque de se tromper. Car tôt ou tard, quand la roue aura tourné vers son apogée… lui, il se retrouvera en bas. Ainsi, celui qui accepte la simplicité, la discrétion, de ne pas se croire le centre du monde, de reconnaître que tout vient de Dieu et retourne à lui… celui-là est rendu capable de recevoir la sagesse véritable. L’humilité n’est donc pas un rabaissement qui détruit, mais une force véritable, celle de l’ouverture du cœur.


Ensuite, la lettre aux Hébreux est à l’image de l’expérience de la maman de notre histoire. En effet, elle présente le contraste entre deux montagnes : celle du Sinaï où le peuple tremblait de peur devant la voix de Dieu, et celle de Sion où la multitude des anges se réjouit dans la fête. Ainsi, cette lettre nous rappelle que nous ne sommes pas élevés vers une montagne de peur et de tremblements, mais vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste. Or, pour entrer dans cette joie, il ne faut pas un esprit d’orgueil ni de domination, mais un cœur humble, léger et purifié par le sang de Jésus. Autrement dit, notre chemin d’humilité n’est pas une descente dans le néant : c’est une montée vers la fête, vers la joie, vers la communion des saints. En ce sens, l’humilité est comme un ticket d’entrée permanent pour la grande fête de Dieu.


Enfin, dans l’Évangile, Jésus reprend cette même logique l’humilité avec la parabole du banquet. Celui qui choisit la dernière place, non pas pour se faire remarquer, mais par simplicité, celui-là laisse au maître de maison la joie de lui dire : « Ami, monte plus haut. » En d’autres termes, c’est précisément du point le plus bas que peut commencer l’élévation. Et plus on monte, plus on découvre un horizon nouveau, plus on voit loin, plus on s’approche symboliquement du ciel. Ainsi, l’humilité chrétienne ressemble à ce mouvement de la foi qui nous porte. Elle n’est pas un mépris de soi, mais un choix de vérité et une confiance absolue en Celui qui peut nous élever, c’est-à-dire le choix de reconnaître que nous avons besoin des autres, mais que nous dépendons de Dieu seul car c’est Lui qui donne la vie. Ainsi, en nous abaissant volontairement, nous nous laissons élever par le Seigneur, et cette élévation n’est pas une gloire mondaine, mais bien l’expérience de son Amour.


Alors, Frères et Sœurs, laissons résonner en nos cœurs cette parole : « Quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé. » C’est par notre abaissement volontaire, non pas par peur ou comme un écrasement, mais bien par l’humilité, que nous sommes élevés vers la grandeur de l’Amour du Seigneur. Aussi, osons descendre avec le Christ, dans le service, la simplicité, l’accueil des pauvres et des petits. Osons prendre la dernière place, en vivant cette position non pas comme un poids, mais bien comme une grâce. Car, comme sur la grande-roue et les sensations de joie qu’elle procure, c’est de là que commence le vrai voyage vers la hauteur, où le Père lui-même nous élève vers Lui et nous fait découvrir la beauté du monde vu d’en haut, la joie de l’Amour éternel.


Amen. Alléluia !

 

Frédéric Kienen



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