Seule la vie compte
- Michel Teheux

- 30 juil.
- 2 min de lecture
18e dimanche du temps ordinaire - 3 août 2025
Évangile selon saint Luc 12, 13-21

Il avait bloqué la vie, malheur à lui ! Il pensait « avoir » la vie plutôt que de se laisser porter par elle, plutôt que de vivre et d’inventer, et d’exister c’est-à-dire de sortir de soi. Malheur à lui, il est déjà, en vérité, comme mort.
Bloquer la vie, voilà le grand péché ! Et l’argent n’est dans l’Évangile d’aujourd’hui qu’un symbole. Cet homme pensait acheter la vie, posséder, l’enfermer, la dominer. Cercle infernal de l’avoir, ivresse du pouvoir, démesure du savoir… le résultat est identique : la vie est enchaînée.
« Tu es fou : aujourd’hui on te redemande ta vie » ! Le grain est fait pour le pain et les semailles, la religion pour l’homme, le don de la vie est fait pour en vivre.
« Vanité des vanités, tout est vanité » ! Vent, tout est vent.
L’auteur de Qohélet prétend avoir fait le tour des choses, des êtres, de la vie, et n’avoir rien trouvé qui vaille la peine par soi-même. Et avec lui, nous affirmons : rien ne vaut par soi-même, toute chose est ordonnée à une fin, à un but ou bien elle n’a aucune valeur. Les valeurs elles-mêmes n’ont d’autre signification et d’autre importance que ce qu’elles veulent promouvoir, la vie de l’homme. Tout ce qui ne défend pas l’homme, tout ce qui ne le libère pas, ne l’épanouit pas est vanité.
L’argent, l’intelligence, la culture, l’art, l’amour sont des forces qui, toutes, par leur dynamisme profond, tendent à rapprocher, à rassembler, à réunir. Et si, au moins en français, on les englobe toutes dans l’expression « biens de la terre », c’est justement parce que, par elles-mêmes, ces forces sont créatrices de relations, parce qu’elles relient, engendrent la communion, et c’est cela qui est le bien.
« Vanité des vanités » ! lorsque nous pervertissons ces « biens de la terre », ces forces de communion, lorsque nous ne savons plus que vivre c’est aimer, créer des liens, lorsque nous utilisons ces « biens » pour nous affirmer contre les autres, pour écraser, dominer, échapper aux solidarités de la vie.
Ces forces, quand notre cœur ou nous orgueil les pervertissent, changent alors le sens ; elles changent même de nom : elles s’appelaient « les biens de la terre », l’Évangile les nomme alors d’un non monstrueux : « les richesses » ! « Vanité des vanités » ! lorsque ces biens ne sont pas ordonnés à la seule richesse : le bien de l’homme.
Appel de la Bible, de la Parole de Dieu qui met devant nos yeux deux ordres de valeur : une voie de vie et de communion, une voie de mort et de perversion. Appel qui déjà, ici et maintenant, se voit, pour une part, accompli. Voici nos biens de la terre : le pain et le vin de nos tables ouvertes, un geste de paix qui est promesse de vivre en communion.
Et dieu accueille nos simples dons, son Esprit les pénètre, les transmue et, de pauvres biens de la terre qu’ils sont, ils deviennent les biens du Royaume des cieux.
Michel Teheux



