Du rêve à la conversion
- Michel Teheux

- il y a 21 heures
- 3 min de lecture
2e dimanche de l'Avent - 7 décembre 2025
Évangile selon saint Matthieu 3, 1-12

Le loup habitera avec l’agneau ; justice et paix s’embrasseront ; la langue de la vipère chantera l’innocence et les pauvres du pays seront reconnus avec droiture.
Nous rêvons !
Cela nous est bon de rêver… Mais, engeance de vipères, dit le prophète, convertissez-vous, car bientôt la cognée frappera !
Nous rêvons… Un rameau d’olivier fleurira sur la souche desséchée. C’est ce qu’annonçait le prophète au temps où Jérusalem retentissait de lamentations, lorsque l’ennemi était aux portes de la ville et l’assiégeait : lui seul entendait déjà les vagissements de l’enfant à naître. La reine allait accoucher d’un enfant et rien, pas même la puissance maîtresse du monde, ne pourrait rendre vaine la promesse de Dieu. Prophétie d’Isaïe pour un temps de crise et d’incertitude, de désespérance en face de la fatalité. Et nous nous mettons à rêver avec lui en ce temps d’incertitude qui est le nôtre. Les vieilles images qui traversent les siècles et les cultures nous font échapper, l’espace d’un moment, à nos désespérances : le loup habitera avec l’agneau, le veau et le lionceau cohabiteront…
Nous nous mettrons à relever la tête et à rêver : la loi de la Jungle fera-t-elle donc place aux Béatitudes ? En ces jours-là fleurira la justice et grande paix du Levant au Couchant, de l’Oural à l’Atlantique ; en ces jours-là, les humbles posséderont la terre, les carnivores deviendront herbivores, la violence coutumière s’assagira.
Retour au paradis d’autrefois diront certains, ou bien réalisation d’un monde utopique, exprimant du « jamais vu » pour faire saisir la transformation opérée à l’âge messianique, diront d’autres. Qu’importe les images nous font rêver à un temps meilleur où enfin l’homme ne sera plus un loup pour l’homme.
Mais l’autre prophète, celui des bores du Jourdain, nous arrache à nos douces rêveries et vitupère : « Engeance de vipères, convertissez-vous ! Hâtez-vous de porter du fruit car la cognée est déjà à la racine de l’arbre ; changez de vie, demain il sera trop tard ! l’heure est proche !
Aplanissez la route, rendez droits les sentiers ! Le jour de Dieu approche et il prendra le chemin que vous aurez balisé.
Dans la nuit, allumez des fanaux comme points de repère pour que Dieu puisse retrouver son chemin.
Car demain ne sera que ce que vous aurez bâti aujourd’hui.
Car les cris du nouveau-né ne seront que la venue à la parole du patient engendrement et l’émerveillement devant un enfant sera lourd du long enfantement.
Il vient, le Seigneur ! Aplanissez sa route ! Route du désert, jalonnée d’embuscades et de cadavres ; route des hommes, tourmentée de querelles et d’hypocrisies.
Convertissez-vous car celui qui vient vous baptisera dans le feu qui épure l’or au creuset !
Nous rêvions : le loup habitera avec l’agneau ! Mais le prophète fera passer le rêve des hommes au creuset de sa vie livrée, consacrée à l’amour. Celui qui vient n’est pas un doux rêveur, ni un utopiste inconsistant : pour donner chair au rêve qu’il porte, il passera par le baptême de sang et s’étendra, dépouillé de tout même de son rêve, sur le bois rugueux d’une croix. Et cette croix, désormais est dressée comme étendard sur notre monde.
Nous rêvions. Mais dans la croix il nous est révélé que notre paradis est fait de désert converti. Nous rêvions mais afin qu’un coin de notre rêve devienne réalité, Jean Baptiste, l’annonceur de Celui qui vient, nous dit : Convertissez-vous ! »
Michel Teheux



