S’abaisser pour laver les pieds … Laver les pieds pour ressuscite
- Frédéric Kienen
- 16 avr.
- 4 min de lecture
Chapelle Saint-Gérard - 17 avril 2025
Évangile selon saint Jean 13, 1-15

Chers Frères et Sœurs,
Ce soir, nous entrons dans le Triduum pascal. Trois jours où l’amour de Dieu va jusqu’au bout. Et tout commence… à genoux. Et tout commence dans le silence d’une salle, autour d’une table, par un geste que seul un serviteur aurait dû accomplir.
Avant de monter au Calvaire, Jésus s’abaisse. Il se lève de table, ôte son manteau, prend un linge et lave les pieds de ses disciples. Ce geste, simple en apparence, est le cœur du mystère de ce soir. Il est le premier abaissement, la porte d’entrée dans la Passion, et déjà, le chemin de la Résurrection. Car c’est à genoux que Jésus révèle la vraie grandeur de Dieu.
Premièrement, Jésus accomplit ce soir ce qu’il avait annoncé dès le début de sa mission en lisant le prophète Isaïe dans la synagogue : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérir les cœurs brisés… » Tout en ajoutant : «Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture. » En réalité, ce texte d’Isaïe est devenu le programme de sa mission. Et ce soir, cet aujourd’hui prend une profondeur nouvelle. Pourquoi ? Parce qu’il le vit pleinement, non pas par des paroles, mais par un geste concret : le Maître se fait Serviteur. Lui qui est Seigneur et Maître, se penche et lave les pieds de ses disciples. De plus, vous l’aurez compris, Jésus ne fait pas qu’enseigner l’humilité : il nous révèle le cœur même de Dieu. Un Dieu qui se met à genoux devant l’homme pour l’élever. Un Dieu qui aime jusqu’à se faire le dernier. Ainsi, ce lavement des pieds est déjà une Pâque… car il annonce la croix, nous ouvrant ainsi un chemin de résurrection. Voilà pourquoi Jésus conclut son geste en disant : « Ce que j’ai fait pour vous, faites-le, vous aussi. » Il ne s’agit donc pas seulement d’imiter un geste, mais d’entrer à sa suite dans sa vie : une vie inspirée entièrement par l’amour exprimé jusqu’à l’extrême. Bref, le lavement des pieds, c’est l’Évangile déjà annoncé et maintenant en acte.
Deuxièmement, en cette nuit où Jésus institue l’Eucharistie et le sacerdoce, il nous rappelle que tout ministère, toute autorité dans l’Église, commence par le service. Le prophète Isaïe l’annonçait en ces termes : « Vous serez appelés prêtres du Seigneur, serviteurs de notre Dieu. » Et dans l’Apocalypse, saint Jean nous dit que Jésus nous a aimés, qu’il nous a lavés de nos péchés et qu’il a fait de nous par son sang un royaume de prêtres pour son Dieu et Père. Voilà pourquoi ce soir, nous célébrons l’institution du sacerdoce, mais aussi celle d’un peuple de serviteurs, unis par l’Eucharistie. Toutefois, ne nous méprenons pas… ce sacerdoce n’est pas réservé à quelques-uns, car c’est bien par notre baptême que nous sommes tous appelés à servir. Ainsi, c’est par cette eau et son Esprit que le Christ nous lave pour que nous puissions, à notre tour, laver les pieds du monde, en devenant serviteurs les uns des autres. Bref, le lavement des pieds et l’Eucharistie sont intimement liés, car unis par le même Esprit où l’un donne le sens du service et l’autre la force de le vivre.
Enfin, en lavant les pieds, Jésus pose un geste prophétique : il nous montre que l’on ne peut pas séparer l’amour de Dieu et l’amour du frère. Servir, c’est entrer dans le mystère même de Dieu. Servir, c’est vivre la Pâque au quotidien. Ce lavement des pieds est donc bien plus qu’un rite… c’est la manière d’aimer de Dieu. Et pour nous ? C’est oser suivre le geste à sa Parole de vie, afin d’exprimer son Amour. Dès lors, en ce Jeudi Saint, chacun de nous est appelé à se laisser aimer, purifier et relever par le Christ. Chacun de nous est appelé à aimer, à servir et à s’abaisser, pour que d’autres soient relevés. Le Jeudi Saint n’est donc pas seulement un devoir de mémoire. « Vous ferez cela en mémoire de moi. » Il est surtout un envoi afin que, nous aussi, nous inspirions de son abaissement pour être à notre tour des serviteurs.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, tout commence à genoux, dans un silence d’amour, un silence inspirant dans lequel nous pouvons l’entendre nous encourager : « Allez, et faites de même ! Aimez jusqu’au bout ! Servez humblement ! Donnez votre vie comme je donne la mienne ! » Le lavement des pieds est donc bien le geste qui nous ouvre le chemin de la Résurrection. En effet, ce soir, Dieu se met à genoux devant l’homme ; demain, l’homme sera agenouillé devant la Croix et dans trois jours, le tombeau sera vide. Ce soir, Dieu s’abaisse. Il se penche sur nous et se fait petit. Il prend la position du serviteur et vient nous nourrir pour nous donner la force de revivre avec foi et Amour la Passion. Et ce faisant, il révèle que le plus bas est souvent le commencement du plus haut. À genoux, il nous relève. En s’abaissant, il nous élève.
Alors, suivons Jésus. De la table au jardin, du jardin à la Croix, de la Croix à la vie. Lui, le Christ-Serviteur, nous invite encore aujourd’hui, en ce Jeudi Saint, à marcher avec lui. Devenons, à notre tour, des Christ-Serviteurs, pour le monde qui attend des signes concrets d’amour.
Amen. Maranatha.
Frédéric Kienen