13e dimanche du temps ordinaire - 30 juin 2024
Évangile selon saint Marc (5, 21-43)

Elle avait douze ans ! Joyeuse, espiègle, encore enfant. Insouciante, comme ceux qui ont encore toute la vie devant eux.
Elle riait, comment savent rire les enfants, pour qui tout est nouveau.
Douze ans… Elle avait douze ans et elle portait tant d’espoirs : une fille qui faisait l’orgueil de sa famille.
Elle avait douze ans… Toute mort paraît absurde. Combien plus celle d’une jeune fille… Son père était accouru. Et sa secrète invocation était une contestation plus forte que le cri révolte : « Ma fille est à toute extrémité… » Il ne se révoltait pas, il constatait la fatalité. Y a-t-il une réalité plus vivante où transparaît l’absurdité de la vie : mettre un enfant au monde, l’éduquer, puis le voir mourir ? Scandale intolérable d’un corps qui reste sans vie au moment même où il devient capable d’engendrer la vie.
Elle n’avait que douze ans…
Son père aura beau espérer ne pas arriver trop tard, il pourra bien penser avoir conjuré la fatalité, les autres lui rappelleront la déchéance inévitable : « Pourquoi déranger le Maître ? Ta fille est morte » !
Nous avons engendré la vie et nous avons donné le meilleur de nous-mêmes à nos enfants.
Nous avons tenté de donner corps à l’amour en le vivant dans les gestes de tous les jours.
Nous nous sommes essayés à bâtir la paix et la justice en partageant, en pardonnant, en soutenant, en nous convertissant…
Oui, nous sommes tous des pères passionnés de la vie, émerveillés par l’œuvre de nos mains et de nos désirs, de nos recherches et de nos passions. Et nous voici affrontés à l’irrémédiable : la mort, sous toutes ses formes, semble avoir le dernier mot. Devant nos enfants, morts, nous ne pouvons que faire l’aveu de nos réalismes : « Ma fille est à toute extrémité… »
« Sois sans crainte, ose croire » ! En face de l’accusation muette de nos fatalités, Dieu n’a d’autre réponse que cette invitation. Au tribunal de la défense, l’argument de la défense est déconcertant ; ose croire, espérer, vivre ; démontre la force de la vie en vivant !
Jaïre, tu n’auras d’autre ressource que de te lever et de repartir vers la demeure de la fatalité. Et ce sera pour découvrir qu’elle est déboutée.
Devant nos enfants morts, Dieu n’a qu’une réponse : il regarde nos vies, il les prend par la main, et parce qu’il est le Dieu des vivants, il s’écrire : « Talitha koum ! Fillette, levez-vous » ! vous qui êtes enfantées pour la vie, notre seul recours, finalement, est de nous lever, de recommencer à aimer, d’inventer à nouveau la fraternité, de lutter encore pour la justice et la liberté. Face eau défi de la mort sous touts ses formes, nous n’avons qu’une seule réponse : espérer et vivre, malgré tout.
« Ma petite fille, ma vie bien-aimée est en train de mourir ; viens, impose-lui les mains, afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive » !
Et Dieu a imposé ses mains, puissantes de vie, qui insufflent son Esprit dans l’argile des origines. Notre petite fille s’est levée ; elle avait douze ans, et l’avenir s’ouvrait devant elle. Elle avait de nouveau, toute la vie devant elle.
Michel Teheux