« Propos de table »
- Michel Teheux

- 28 août
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22e dimanche du temps ordinaire - 31 août 2025
Évangile selon saint Luc 14, 1.7-14

C’était sabbat, jour de fête et les juifs aimaient solenniser le jour de Dieu par un repas où ils conviaient parents, amis et connaissances. Ce jour de sabbat, chez le chef des pharisiens, il y avait une attraction exceptionnelle : le jeune prophète de Nazareth dont on parlait partout, de Capharnaüm à Jérusalem !
Avant la fin du repas, il allait certainement raconter une de ces paraboles qui fleurissaient si souvent sur ses lèvres.
« Quand tu es invité à des noces… » Personne ne s’y trompe : Jésus parle du monde de Dieu et du genre de vie qu’implique son irruption. « Ne va pas prendre la première place… ». Il ne s’agit pas seulement de contenter l’orgueil des pharisiens au nom des règles du savoir-vivre ; il ne s’agit pas de prêcher la modestie. Jésus intervient parce que Dieu « renverse les puissants et élève les humbles ». Le Maître du festin dira à celui qui s’est mis au bout de table : « Mon ami avance plus haut ».
Bientôt Jésus se mettra au bout de table et s’agenouillera aux pieds de ses disciples. Renversement de l’ordre des choses ; révolution du Royaume. Dieu révèle ce qu’il est parce qu’il fait. « Lui, de condition divine, ne s’est pas prévalu du rang qui l’égalait à Dieu mais il s’est abaissé jusqu’à la mort et la mort de la croix ». Si l’incarnation est acte d’humilité, c’est que dieu est être d’humilité. Voyant Jésus aux pieds de ses disciples, je vois, s’il dit vrai, Dieu même éternellement, mystérieusement Serviteur. Bouleversante révélation : Dieu, notre Dieu, le Dieu de Jésus est un Dieu en tablier !
« Les pécheurs et les prostituées vous précéderont dans le Royaume ». Jésus s’en ira partager la fête des publicains et c’est à Zachée qu’il mendiera l’hospitalité. La Madeleine et le Larron seront pour l’éternité les héritiers du Royaume. Jésus étant ce qu’il est, sa vie se déroulant comme nous la voyons se dérouler, nous sommes obligés de dire : le Dieu qui s’y manifeste n’est pas n’importe quel Dieu ! Dieu en tablier a reconnu pour siens les laissés pour compte et les gens de rien.
Dieu en tablier… Jésus ne fait pas semblant de privilégier les petits et les pauvres de vertu ; Dieu n’aime pas par condescendance. Dieu est infiniment riche. Mais riche en amour, non en avoir ni en être possédé comme un avoir. Richesse en amour et pauvreté sons synonymes.
Dieu est souverainement libre. Mais libre d’aimer et d’aller jusqu’au bout de l’amour : et l’amour poussé au bout c’est le renoncement à l’indépendance. Dieu est immensément puissant. Mais sa grandeur est de pouvoir tout ce que peut l’amour, jusqu’à se lier à un regard.
« Celui qui s’abaisse sera élevé ». Bientôt Jésus vivra la parabole et la promesse deviendra réalité : s’étant abaissé jusqu’à la mort de la croix, Dieu l’élèvera de terre et l’établira à sa droite. Maitre de l’Univers. Ce que dit Jésus de Dieu est donc vrai : Dieu est tel qu’il le dit, il élève les humbles et renverse les puissants. Entreront dans le Royaume ceux qui pensaient ne pas y avoir droit et ceux qui s’estimaient justes seront renvoyés aux dernières places. Car Dieu est à l’envers !
On imagine le silence pesant autour de la table devenue prétexte d’une telle révélation. Jésus poursuit : « Quand tu donnes un déjeuner, n’invite pas tes frères, ni tes amis, ni tes parents, ni de riches voisins… », c’est-à-dire tous ceux qui sont là. « Au contraire, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, « les marginaux d’Israël ». Tout est de nouveau renversé. La manière d’agir du Royaume est l’envers de notre monde. « Si moi, le Maître et le Seigneur, je vous ai lavé les pieds c’est pour que vous fassiez de même ». Une seule loi régit le monde nouveau, celle qui anime l’agir même de Dieu : l’amour. Et l’humilité en est l’aspect le plus radical.
Michel Teheux



