Prier à sa mesure… et sans mesures
- Frédéric Kienen

- 26 juil.
- 3 min de lecture
17e dimanche du temps ordinaire - 27 juillet 2025
Gn 18,20-32 ; Col 2,12-14 et Lc 11,1-13

Un jour, saint Jean-Marie Vianney, le curé d’Ars, finit par remarquer que, jours après jours, tous les jours à la même heure, un vieux paysan s’asseyait dans le fond de son église, toujours immobile, silencieux, les yeux fixés sur le tabernacle. Après quelques minutes rapides, il se levait en remettant son chapeau et repartait. Intrigué, le saint curé s’approcha finalement et lui demanda : « Que fais-tu ici, mon ami ? » Et l’homme de lui répondre dans sa contemplation avec un fin sourire aux lèvres : « Je le mesure, et il me mesure. »
En réalité, cette scène humble nous dit l’essentiel de la prière. Elle n’est pas d’abord un flot de paroles ou une technique : elle est un cœur à cœur, une présence, un lien vivant entre Dieu et nous. Et ce lien, chers Frères et Sœurs, a commencé le jour de notre baptême. Car c’est ce jour-là que Dieu nous a adoptés comme ses enfants, nous ouvrant ainsi ce monde de la prière, un lieu de grâce où chacun peut s’épanouir en sa présence, chacun à sa propre mesure. Aussi, aujourd’hui, la Parole nous montre trois figures essentielles de cette prière. Trois figures qui nous révèlent combien la prière nous rend également participants de la miséricorde divine : l’intercession confiante et audacieuse d’Abraham, la prière filiale enseignée par Jésus, et la vie nouvelle en Christ que nous rappelle saint Paul.
Dans le livre de la Genèse, comme un intercesseur audacieux, nous retrouvons Abraham en prière… mais pas une prière égoïste. C’est une prière d’intercession, une prière pour les autres, pour les pécheurs de Sodome. Il s’adresse à Dieu avec audace et confiance : « Et s’il y avait cinquante justes ? Et quarante-cinq ? Et même dix ? » Déjà, fait intéressant, notons qu’Abraham n’a pas peur de dialoguer avec Dieu, presque de marchander. Toutefois, ce n’est pas un marchandage intéressé : c’est le cri d’un cœur touché par la miséricorde, qui croit que Dieu peut sauver par la justice même d’un petit nombre. Et comme en réponse à son attente d’une telle audace, Dieu entre dans ce jeu de faux marchandage, car, pour Lui, le véritable bien se situe dans l’expression et la force même de l’intercession : la miséricorde. Ainsi, cette attitude d’Abraham nous enseigne que la prière n’est pas d’abord un exercice de piété solitaire, mais une ouverture à l’autre, à sa détresse, à son salut. Et cela, nous pouvons aussi le vivre par notre baptême, où chacun de nous a reçu en don ce pouvoir d’intercéder.
Dans l'Évangile, les disciples demandent à Jésus : « Seigneur, apprends-nous à prier. » Et Jésus leur donne la plus belle des prières : le Notre Père. Une prière toute simple, mais qui dit tout : l’adoration, la confiance, la demande, le pardon. Mais surtout, cette prière est la prière du Fils qui nous appelle à prier Dieu comme un “Père”. Sa prière devient maintenant la nôtre. Ce nouveau lien filial transforme également notre manière de prier… une prière qui nous ouvre un autre chemin : celui de la miséricorde qui nous demande (il faut le reconnaitre) un grand effort. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Jésus insiste : «Demandez, cherchez, frappez. » Il ne dit pas cela pour nous diminuer ou nous culpabiliser (même si nous avons l’impression de ne pas être exaucés)… Non ! Son insistance porte sur la confiance que ce lien indéfectible entre un enfant et un Père demeure. Ce lien ? C’est le don de l'Esprit Saint. Ce souffle reçu au baptême qui nous habite et anime notre prière. Un lien si fort qu’il nous rend capables d’aimer, de pardonner et même d’espérer contre toute espérance.
Enfin, saint Paul, dans sa lettre aux Colossiens, nous rappelle la puissance de ce don de l’Esprit. Ce don capable de nous ouvrir à une vie nouvelle. Et comment cette vie nouvelle se nourrit-elle ? Par la prière, vous l’aurez compris. Une prière qui ne vient pas simplement de nos mots, mais d’un cœur qui s’abreuve dans une source vive… la source d’Amour de notre Père pour ses enfants.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, ces trois figures nous révèlent un enseignement aussi doux que précieux : notre prière est puissante non pas parce que nous sommes parfaits, mais parce que nous sommes unis au Christ par le baptême. Ainsi, chaque fois que nous entrons en dialogue avec le Père, chaque fois que nous intercédons pour les autres, chaque fois que nous osons frapper à la porte de son cœur, nous ouvrons une porte où l’Amour de Dieu peut s’épanouir en chacun de nous dans un cœur à cœur avec Lui… simplement… À notre mesure et sans mesures.
Aussi, pour renforcer ce lien, laissons l’Esprit prier en nous. Laissons notre cœur devenir un cœur filial, un cœur de compassion et de miséricorde afin que notre foi ne reste pas endormie, mais qu’elle devient une source vive capable de transformer notre vie et celle du monde.
Amen. Alléluia !
Frédéric Kienen



