« On demande gérant habile »
- Michel Teheux

- 21 sept.
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25e dimanche du temps ordinaire - 21 septembre 2025
Évangile selon saint Luc 16, 1-13

On ne parle plus que de cela dans le village. « Tu sais la dernière ! Un tel, qui était intendant, il vient de filer avec la caisse ». Les langues s’échauffent et les têtes s’excitent. Qu’allait-faire l’escroc ?
La panique n’a jamais rien arrangé. Du sang froid, de l’astuce et de l’audace, voilà qui est mieux payant. Et voici notre filon qui profite des quelques jours de répit accordés par le maître. A l’un des débiteurs, il remet 50 jarres d’huile ; à un autre 20 sacs de blé, une somme astronomique, l’équivalent de plus d’une année de travail d’un ouvrier.
Et là-dessus Jésus fait l’éloge de l’astucieux compère. C’est à ne plus rien comprendre ! Mais a-t-on jamais compris Jésus ? Bien sûr, s’il avait prêché une morale de convenance pour gens bien élevés, on l’aurait laissé parler. Mais une révolution que Jésus annonce : Heureux les pauvre, Heureux vous qui pleurez maintenant ! c’est un monde à l’envers qu’il entreprend de construire, ou les derniers seront les premiers et les premiers derniers. Astucieux compère : il a pris les décisions qui s’imposaient, il a eu assez d’audace pour inventer un mode de vie que les circonstances exigeaient. Du jours au lendemain tout bascule, mais le filou ne se laisse pas désarçonner.
Jésus paraît, et du jour au lendemain tout bascule ! Mais les fils de la lumière seront-ils aussi habiles que les fils de ce monde ? Jésus parle et le monde est retourné. Mais ses disciples prendront-ils les décisions qui s’imposent ? Toute la vie de Jésus, ses gestes et ses paroles, annoncent un Dieu de gratuité. Il faut réagir ! Un berger réunit ses amis simplement parce qu’il a retrouvé sa brebis ; une pauvre femme fait la fête parce qu’elle a mis la main sur un peu d’argent perdu ; un père tue le veau gras parce qu’un de ses fils est revenu. Voilà Dieu : son amour est grâce, sans condition. Le suivons-nous en ce royaume de gratuité ?
« Aucun domestique ne peut servir deux maîtres » ! L’argent trompe. Rentabilité, pouvoir d’achat, balance des paiements sont devenus les slogans du bonheur. Loi du monde… » Aimez-vous comme je vous ai aimés » : loi du Royaume, monde à l’envers. Enfermer la moisson est stupide si le grain est fait pour le pain et pour les semailles prochaines.
L’avarice est ridicule, puisque l’argent demande à être dépensé, partagé. La vie est faite pour la renaissance, l’invention, la germination ; l’argent emprisonne, il enferme dans le circuit fermé de son appât, plus insidieux qu’un serpent.
« Faites-vous des amis avec l’argent ». L’argent est à votre service, non votre maître.
Vivez pour société de qualité et non de quantité. Rendez à l’argent sa fonction d’échange, travaillez à l’avènement d’un monde bâti sur la solidarité, non sur l’accaparement, la domination, l’exploitation.
Jésus parle, un monde s’écroule. Les fils de la lumière seront-ils assez lucides pour comprendre l’urgence d’une décision ? Seront-ils assez astucieux pour inventer les réactions qui s’imposent ? Demain il sera trop tard : une alternative reste là en suspens, et nous voudrions y échapper ; mais elle est claire : servir Dieu et l’homme, ou bien l’argent et soi-même.
Michel Teheux



