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  • Photo du rédacteurMichel Teheux

Quatorzième dimanche du temps ordinaire

Dernière mise à jour : 13 sept. 2023

« Je sais à qui j’ai donné ma foi »





Notre époque ne manque ni d’oppresseurs, ni d’opprimés, de puissants et d’esclaves. Elle a aussi ses libérateurs, sauveurs et autres messies qui se disputent l’honneur de briser chaînes et jougs pour rendre à des prisonniers de tous genres la liberté et le bonheur. Chacun y va de son couplet et de ses prétentions pour assurer l’avenir des hommes.

« Maître » ! Le mot, à juste titre, nous a fait peur. « Maître » est tellement grevé de tant de connotations malheureuses, la relation maître-esclave doit être justement dénoncée.

« Maître », le mont s’est tellement dévalué que nous en avons perdu jusqu’à l’usage. Et c’est sans doute avec nostalgie que je me rappelle – mais l’usage, déjà, tombait en désuétude ! – le temps où nous appelions notre instituteur « Maître ». Seuls les musiciens ont encore gardé une certaine révérence pour celui qui les a introduits dans cet art de sentir, de vivre et d’exprimer ce qui touche l’âme par-delà celui qui leur avait appris les ficelles du métier. Oui il est loin le temps où les élèves étaient des apprentis et où les étudiants étaient des disciples.

Et cependant dans l’art difficile de vivre aujourd’hui dans un monde disloqué et éclaté l’urgence de se « raccrocher » à des témoins et à des guides se fait plus pressante : nous ne pouvons nous initier nous-même aux secrets de notre existence. Nous avons à apprendre d’autres ce que nous pourrions devenir et être.

Jésus peut poser sur nous son regard comme il le posait sur les hommes et les femmes de son temps : « Venez à moi, vous qui fléchissez sous le fardeau » ! Mais contrairement aux stratégies de force déployées par les gourous ou les tyrans modernes ou anciens, il invite à prendre sur nous la règle du Royaume dont la sagesse est folie aux yeux des sages et dont la force est la faiblesse et le scandale de l’amour manifesté.

Pour nous initier à la vie, pour nous faire l’apprentissage de notre vie d’homme, pour nous faire découvrir ce que cela signifie être heureux, Jésus se propose d’être notre Maître. Le maître est celui qui ouvre un espace de liberté, qui donne d’entrevoir un certain sens de la vie qui éveille aux valeurs de la vie. Une initiation, voilà ce qu’est le véritable enseignement.

Jésus se propose d’ouvrir la voie de notre bonheur. Et voici notre Maître ; il préfère un âne, la monture des petites, au cheval des vainqueurs et des généraux victorieux, il choisit le scandale d’un gibet d’infamie à la couronne des puissants, il raconte des histoires de tous les jours plutôt que d’enseigner comme les sages et les docteurs amoureux de mots vides et creux. Il parle de conversion du cœur et refuse de se laisser acclamer comme roi, il se laisse porter par ses coups de cœur plutôt que de programmer une stratégie savante. Ce n’est pas ainsi qu’on attire les foules. Ce n’est pas la bonne méthode pour repousser et confondre les adversaires, ni le bon moyen pour percer, se faire un nom et réussir. Les puissants et les sages imposent leur manière de voir et de penser, leur manière de faire et leur loi : le plus fort est toujours le meilleur !

Notre Maître, un prédicateur utopique, un condamné au gibet d’infamie ! « Devenez mes disciples » ! C’est de lui qu’il nous faut apprendre la règle de la vie. Maître étonnant : il n’a pas édicté un nouveau code de conduite. Il n’a pas chargé et encombré les consciences des hommes, mais a rejeté les prescriptions tatillonnes des rabbins qui prétendaient interpréter les volontés divines. Il a bousculé le savant équilibre des interprétations pharisiennes pour « élever les cœurs » et porter le regard de ceux qui l’écoutaient vers le point de mire. Maître de vie, Jésus veut initier aux secrets de la vie selon Dieu et appeler l’homme à sa plus haute vocation : aimer.

Notre initiateur nous fait prendre de la hauteur. Il rêve tout haut et il met la barre à une hauteur qui nous paraît impossible ; devenir capables de Dieu. « Celui qui me connaît, connaît le Père ». Initiés par Jésus, nous devenons correspondants de Dieu. Regardant Jésus nous apprenons de lui qui est Dieu, voyant comme Jésus agit, nous rappelant qu’il échoue si lamentablement, qu’il ne trouve comme compagnons que des pêcheurs et se fait condamner par une classe de théologiens politiciens comme un illuminé révolutionnaire, alors nous découvrons que Dieu est Amour et qu’il nous convie à une relation de filiation.

Apprenant de Jésus qui est Dieu et que nous sommes capables de Dieu, devenus des étudiants du Royaume, nous devenons plus encore : notre Maître nous fait déjà faire l’apprentissage des temps nouveaux. L’amour révélé devient en nous semence et nous dicte de quelles libérations nous devons être les artisans. Nous mettre à l’école de Dieu devient pur nous une vocation responsable.

Vous avez sans doute déjà vu s’envoler un avion. Le secret de cet envol, c’est l’extraordinaire poussée qui, lorsqu’en bout de piste l’appareil paraît au bout de ses possibilités, l’arrache au sol et lui donne de la hauteur.

Regardez Jésus, ceux qu’il aimé, ceux vers qui allait son affection. Apprenez de lui le secret de la vie et laissez-vous saisir par cet immense appel d’air qui vous tire vers le haut, laissez-vous happer par la force de l’Évangile. Mettez-vous à l’école de Jésus : il est votre avenir.

Michel Teheux




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