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  • Photo du rédacteurMichel Teheux

Dix-neuvième Dimanche du temps ordinaire

Dernière mise à jour : 13 sept. 2023

Évangile de Matthieu (14, 22-33)


Dans le vent et la tempête


Une barque ballotée par les vents… L’Église ne manque pas d’humour en se reconnaissant en cette coquille de noix à la dérive. Qui sommes-nous en effet, sinon des homes et des femmes dominés par la peur ? Dieu existe ! Oui, bien sûr, mais le doute peut s’inscrire en questions lancinantes au fond de nous-mêmes : la souffrance et l’injustice qui marquent tant d’hommes, la désespérance qui renaît toujours en notre monde, des êtres déchirés par la vie, malmenés par l’existence, autant de contestations de Dieu, autant de témoignages apportés à la barre de l’accusation. Peut-être Dieu est-il mort ?


Une barque sans doute peut échapper aux vents et aux orages ; on a beau savoir que « les puissances de la mort n’auront pas de pouvoir » contre l’Église, chaque « crise » nous fait trembler au point de nous empêcher d’affronter lucidement les problèmes réels et d’y proposer des remèdes. Blessés par l’histoire et la vie de tous les jours, nous sommes prisonniers de nos peurs et victimes de nos incertitudes. La condition du disciple est partagée entre le doute et la foi. Le disciple de Jésus traverse le désert en solidarité avec ses frères, les hommes qui habitent un monde éclaté, meurtri, inquiétant, étonnant et merveilleux à la fois.

Alors, qui sommes-nous donc pour nous lever et attester, contre vents et marées, que Dieu mènera l’histoire à bon port ? De quel droit l’Église se lève-t-elle, malgré ses interrogations, ses hésitations et même ses craintes, pour déclarer aux hommes : « « N’ayez pas peur « !


Nous le pouvons. L’Église doit le faire, parce que Jésus vient de nuit ; il marche sur les flots et vient à notre rencontre dans la tempête. Avez-vous remarqué combien Dieu aime venir de nuit ? Il y a eu la nuit de l’Exode : Yahvé libérait son peuple de la servitude, égyptienne. Il y eut la nuit de l’enfantement à Bethléem et l’étonnement des bergers. Il y eut la nuit qui s’étendit sur le Golgotha, lorsque le Fils remit sa vie entre les mains du Père. Il y eut encore la nuit du tombeau, quand le grain jeté en terre poussa ses racines pour ébranler la lourde pierre. « C’est moi » ! Jésus vient dans la tempête pour entraîner les siens vers le rivage et la paix.


« Confiance, n’ayez pas peur » !

Au milieu de la tempête, quelqu’un nous tend la main.

Il n’y a pas d’épreuve au milieu de laquelle ne nous est pas offert un signe semblable au murmure d’une brise légère.


La confiance qui exorcise nos peurs ne se possède pas : elle n’existe qu’à mesure où elle se donne. Elle consiste justement en cette capacité à s’appuyer sur quelqu’un d’autre que soi, à oser quitter le lieu des sécurités finalement illusoires pour avancer, même maladroitement. « N’ayez pas peur… »

Cette confiance qui relève et donne d’avancer encore, malgré tout est de l’ordre de l’action « ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour, de pondération » nous dit la lettre à Timothée.

La confiance est alors à l’inverse d’un sentiment entretenu difficilement et toujours menacé : elle devient décision et relevailles. Coûte que coûte, malgré tout.

La foi qui nous donne d’entendre la voix surgie dans la tempête nous fait tendre la main vers l’Autre qui nous tire en avant.


Le Dieu que nous cherchons ne s’impose pas à nous ; il ne nous force pas la main à coup d’arguments ou de preuves. Le Dieu que nous cherchons vient de nuit, dans la tempête et les bouleversements de l’histoire. À peine reconnu, il s’échappe à nouveau, comme le vent qui se refuse à être capturé.


« Viens, c’est moi ! » Alors l’Église peut non seulement tenir la barre de l’esquif ballotté, elle peut encore se risquer sur les flots eux-mêmes. Elle ne craint plus de se mouiller, car là où les hommes s’affrontent avec la tempête de la vie, là est le lieu de son existence. Le lieu normal de la foi, c’est l’aventure et le risque.


Michel Teheux




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