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« Laissez-vous réconcilier »

  • Photo du rédacteur: Michel Teheux
    Michel Teheux
  • 30 mars
  • 4 min de lecture

4e dimanche du Carême - 30 mars 2025

Évangile selon saint Luc 15, 1-3.11-32



Un homme avait deux fils… De toute évidence, le plus jeune est une fripouille. Même son retour à la maison est fondé sur l’intérêt. Mais, laissons là ce fils prodigue, car c’est au Père que la parabole s’intéresse.

 

Il faut le constater : la finale de la parabole de Jésus est invraisemblable. Aucun père n’aurait agi de telle manière : Ce qui est inattendu, ce n’est pas que le père accueille le fils, c’est qu’il fasse la fête.

 

Recevoir le fils, tout oublier, recommencer comme avant : c’est encore dans l’ordre… Mais faire fête, tuer la bête qu’on gardait pour les grandes circonstances, donner au fils une robe neuve, un anneau et des chaussures, comme pour un mariage fastueux… tout cela dépasse l’imaginable.

 

Si la parabole se termine de façon invraisemblable au regard de notre expérience, c’est qu’il ne s’agit pas de parler de ce qui est coutumier aux hommes. L’historiette nous parle de Dieu et de sa rencontre avec nous de ce que nous sommes pour lui. C’est lui, le père prodigue qui court vers l’enfant perdu, se jette à son cou, sans explication, sans reproche.

 

Pour dire qui est Dieu, Jésus ne peut que nous raconter une histoire pour nous convier à communiquer à l’expérience qu’elle raconte. Dieu est tellement différent de ce que nous pensions que nous ne pouvons découvrir son visage que dévoilé dans une évocation qui nous appelle à expérimenter l’Alliance désirée par Dieu.

 

Dieu est extravagant : il se précipite sur un chemin de terre et ouvre une fête folle. Seul, Jésus, venu en ce monde, pouvait parler ainsi de Dieu : il parlait d’expérience.

 

L’expérience de Jésus… il voyait des pécheurs qui entendaient sa voix ; Matthieu, Zachée, la Madelaine partageaient sa table, des publicains accueillaient l’annonce du Royaume et tant de marginaux et de rejetés accouraient vers lu. Les retrouvailles du berger et de la brebis perdue, le retour de l’enfant lointain, Jésus les a vécus. Et la recherche fébrile de la ménagère, il l’a expérimenté dans l’élan de son propre cœur, vers tous les enfants perdus d’Israël. La parabole, Jésus la vit. En la racontant, il invite ses auditeurs à reconnaître l’action de Dieu dans les gestes désarçonnants qu’il pose, là où beaucoup criaient au scandale.

Car Jésus rencontre aussi le fils ainé de la parabole lorsqu’il affronte les scribes, les pharisiens, les juristes, les prêtres carapaçonnés dans leurs idées et dans leurs vertus. Ils estiment avoir des droits sur Dieu puisqu’ils le servent jalousement. Ils ont fait de Dieu un Dieu ordinaire. Pour eux, Dieu doit se comporter comme un Dieu doit se comporter.

Mais Jésus comprend le fils ainé : on lui avait prêché la modération depuis des siècles ; on lui avait rejeté qu’il devait faire attention puisqu’il était la part choisie de Dieu ; on lui avait appris à épargner. Et voilà maintenant que son père se ment à dépenser le fruit d’une entreprise où lui, le fils ainé, a donné le meilleur de lui-même.

 

Parabole aux multiples sens que celle du père miséricordieux :

Elle nous montre le visage de Dieu. Elle nous révèle ce que nous sommes pour lui. Elle nous montre que notre conversion n’est pas une ascèse morale, mais la réponse à une passion : il n’y a pas de conversion en dehors d’une passion partagée. La foi en ce Dieu-là est synonyme d’amour et c’est cet amour, pauvre sans doute comme tout amour, mais aussi passionné comme tout amour, qui nous fera faire des folies pour Dieu. L’Alliance ne peut s’écrire qu’en termes de démesure.

 

Démesure de notre relation avec Dieu : notre foi est de l’ordre de la passion.

Mais démesure aussi dans notre manière de comprendre notre vie et notre vivre ensemble. L’avez-vous remarqué. Ce n’est qu’un engagement de mots, mais il est essentiel dans l’historiette. « Quand ton fils que voilà est revenu… se scandalise le fils ainé : je n’ai rien à voir avec lui « Ton fils ». L’autre n’est pas, n’est plus du même monde.

Deux mondes étrangers. Avec une barrière et un mur infranchissable : « Quand ton frère que voici est revenu… » La parabole ne parle pas seulement de l’amour du père : elle révèle les conséquences de cet amour dans les relations de ceux qui sont ainsi aimés et le reconnaissent : « Quand ton frère » elle instaure un nouvel ordre social été appelle le fils ainé à reconnaître l’autre comme son frère. La révélation de l’amour de Dieu se conjugue avec une invitation à fonder un nouvel ordre humain : l’autre est mon frère. La solidarité, le travail pour la justice et un monde équitable ne sont pas accessoires en christianisme. Notre effort de partage en ce mi-carême est la condition de pouvoir faire fête, anticipée aujourd’hui, dimanche de Laetare, accomplie en la nuit pascale. Car il n’y a pas Dieu d’un côté de l’homme et l’homme de l’autre : en christianisme, il n’y a que l’homme. À aimer. À sauver.

 


Michel Teheux



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