Christ Roi de l'Univers - 24 novembre 2024
Évangile selon saint Jean 18, 33b-37
Chers frères et sœurs,
La solennité du Christ Roi de l'univers, qui ouvre la dernière semaine de cette année liturgique avant l’Avent, nous invite à méditer sur la royauté de Jésus et le sens chrétien de dominer. Ce dernier terme peut, au premier abord, choquer notre sensibilité moderne, car il éveille des idées de pouvoir écrasant, de soumission violente… de domination sans partage. Pourtant, dans la perspective chrétienne, dominer prend un sens infiniment plus profond, renouvelé par l'exemple même de la royauté du Christ. Ainsi, les Lectures de ce jour nous donnent une perspective profonde et subtile sur ce que signifie être « roi » selon Dieu, afin de comprendre comment le Christ exerce ce pouvoir dans le Royaume et, plus fondamentalement encore pour nous aujourd’hui et demain, la manière dont nous pouvons exercer ce même pouvoir dans la construction du Royaume auquel nous participons.
Dans le livre de Daniel, nous rencontrons une vision puissante d’un « Fils d'homme » qui s’approche de Dieu et reçoit la royauté sur « tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues ». Cette figure mystérieuse, que Daniel voit dans une vision céleste, est un bien être humain. Cependant, sa royauté transcende toutes les frontières humaines. Pourquoi ? Car il reçoit « un pouvoir éternel », et son règne ne sera jamais détrôné. Plus précisément, ce passage préfigure la royauté du Christ, mais il nous enseigne aussi quelque chose de fondamental : le pouvoir et la domination ne sont pas vus ici comme des instruments de violence ou de domination abusive, mais comme un moyen de rendre gloire à Dieu et de servir l’humanité de manière universelle et éternelle. Bref, la royauté de ce « Fils d'homme » est une royauté de justice et de paix, d’amour et de miséricorde. Ce texte de Daniel est donc la première clé pour comprendre le sens chrétien de dominer : il ne s'agit pas de dominer pour assujettir, mais de gouverner pour servir, en vue d'un bien commun qui dépasse toute temporalité.
L'Évangile de Jean poursuit et approfondit ce lien intime entre dominer et royauté. En effet, nous assistons ici à une scène étonnante : Jésus se trouve devant Pilate, le représentant de l'autorité romaine, et ce dernier lui pose cette question : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répond d’abord par une autre question qui révèle la profondeur de son royaume : « Dis-tu cela de toi-même ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Jésus invite ainsi Pilate à aller au-delà de ses idées préconçues sur le pouvoir et la royauté. Il précise ensuite que son royaume « n’est pas de ce monde », ce qui signifie que la royauté de Jésus ne repose pas sur les principes terrestres, surtout celui de la domination. En ce sens, Jésus ne lutte pas pour un trône politique ou pour un pouvoir humain. Pourquoi ? Car il ne veut pas établir un royaume fondé sur la force, la violence ou la peur. En réalité, la nature de son royaume est spirituelle… la nature de son Royaume est fondée sur la vérité. Il déclare même en ces termes : « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » Ainsi, nous comprenons que la royauté du Christ se définit comme suit : sa royauté est celle de la vérité et de la justice. Jésus est roi, non pas en opprimant, mais en libérant la vérité dans le cœur de ses disciples. Notons également que, dans cette scène entre Jésus et Pilate, nous pouvons voir que le Christ ne cherche pas à imposer son pouvoir, mais bien à inviter chacun à entrer librement dans son royaume de paix, d'amour et de vérité. Ce n’est donc pas une domination tyrannique, mais une royauté qui s’établit par le service et le sacrifice.
À la lumière de Daniel et de Jean, nous pouvons donc comprendre que dans la foi chrétienne, dominer n’est pas synonyme d’écrasement ou d’oppression sur les autres, mais plutôt la capacité à gouverner selon les principes du Royaume de Dieu : justice, miséricorde, vérité et amour. C'est un pouvoir qui sert à élever les autres, à leur donner dignité et liberté. En ce sens, la royauté de Jésus nous montre que la domination véritable ne repose pas sur la force ou la soumission, mais sur l'humilité et la capacité à se donner aux autres. Pourquoi ? Car le Christ nous appelle à devenir des rois dans notre manière d’aimer, dans notre service aux autres et dans notre désir d’apporter la lumière de l'Évangile dans un monde souvent marqué par l'injustice et la violence.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, en contemplant le Christ dans sa royauté, nous sommes invités à modeler notre vie selon ce modèle de pouvoir différent. Le chrétien est appelé à être un roi selon le cœur de Dieu : un roi qui règne par l'humilité, le service et la recherche de la vérité. Ainsi, nous sommes invités et appelés à vivre sous le règne du Christ, à étendre son royaume non pas par la force, mais par l'exemple, le témoignage et la fidélité à la vérité de l'Évangile. Le Christ nous montre donc que la vraie domination consiste à se faire « serviteur » des autres, à être témoin de l'amour de Dieu et à travailler à la construction de son Royaume de paix.
Que cette fête de la Royauté du Christ soit pour nous un appel à vivre de manière plus fidèle et plus authentique sous la royauté du Christ, en servant nos frères et sœurs, en recherchant la vérité et en témoignant de l’amour que Dieu nous donne.
Amen. Alléluia.
Frédéric Kienen