2e dimanche du temps ordinaire - 19 janvier 2025
Évangile selon saint Jean 2, 1 - 11

Six cents litres d’eau, pour des ablutions rituelles, pour se laver les mains.
Du scrupule de l’état brut ! Une religion où tout tourne à la crainte, à la peur de ne pas être en règle. Jésus regarde les six cuves et les voici remplies de 600 litres de vin, pour terminer honnêtement la noce. À la religion du scrupule et du devoir a fait place la religion de la passion et de la grâce, de l’étonnement et de la fête.
À Cana, le vin coule avec abondance : la noce sera belle et les derniers arrivés pourront se joindre aux premiers invités. Chez Dieu la table est mise pour tout le monde et le banquet est ouvert à la multitude. Depuis que Dieu s’est manifesté dans la Parole et les gestes de son Fils, plus rien n’est semblable.
Le vin nouveau s’est mis à pétiller et il lui faut des outres neuves !
La religion austère, celle des principes et des droits, des purifications toujours à recommencer, doit faire place à une religion qui s’émerveille de tant d’amour, une religion de noce et d’alliance.
L’Église ne pourra plus être fondée sur des règlements insipides et stériles, mais sur une passion qui la rend folle, comme on dit des amoureux qu’ils sont fous.
Rappelez-vous la réaction des foules au jour de la Pentecôte devant la prédication des apôtres : « ils sont ivres de vin doux » !
Aujourd’hui, Cana, le 1er signe qui ouvre le ministère public de Jésus.
Demain, un autre repas de noces, douloureux, pour dire ce qu’il en a coûté à Dieu de nous aimer ainsi : une table d’adieux tandis que déjà le procès de Jésus a commencé. « Mon heure n’est pas encore venue de verser le sang » !
Aujourd’hui nous célébrons le dimanche de la Passion, de la folie amoureuse de Dieu qui fait de la terre des hommes son épouse bien-aimée, folle amoureuse qui le conduira à l’heure du sang et de la croix. L’Église, peuple de l’Alliance est née de cette passion-là.
L’Église est fondée sur cette passion amoureuse de Dieu.
Non pas sur les traits de théologie qui définissent les vérités à croire comme s’il suffisait de signer des propositions « orthodoxes » pour connaître Dieu.
L’Église ne sera jamais celle des savants qui mettent Dieu en formules ou en dogmes :
le Dieu à croire est celui qui est incroyable, fou de l’homme au point de se marier avec la terre.
L’Église n’est pas fondée sur des codes de droit canon, de prescriptions qui organisent la vie et des règlements qui endiguent l’Évangile.
L’Église ne sera jamais celle des législateurs qui réglementent pour préciser les termes du contrat.
La foi sera toujours un coup de cœur, non une adhésion savamment calculée et mesurée.
L’Église n’est pas fondée sur un pouvoir qui lui appartiendrait et la force de vie des sacrements qu’elle célèbre ne vient pas d’une formule respectée, mais de la puissance de l’Esprit donné avec surabondance.
L’Église existe comme Église de la Pentecôte pour recevoir dans l’action de grâce la présence réelle de son Seigneur.
Aujourd’hui si nous connaissons le drame des divisions de l’Église et le scandale d’une Église déchirée,
C’est peut-être que, par facilité, inconscience ou calculs, nous avons cru que le fondement de l’Église était son adhésion à des vérités à croire, fixées dans des dogmes intangibles et sans âme, et qu’il suffirait, pour faire l’unité, et pour construire l’Église, de trouver des formules minimales sur lesquelles nous tomberions d’accord.
Si aujourd’hui nous connaissons le scandale d’une Église déchirée et malmenée, c’est peut-être bien que nous avons pensé devoir indiquer l’action de l’Esprit au lieu de nous risquer dans la nouveauté de l’Évangile.
Si aujourd’hui l’Église est déchirée et malmenée, c’est bien parce que nous préférons souvent les 600 litres de vin : l’eau des ablutions est moins dangereuse que l’ivresse des temps nouveaux.
L’Église est toujours l’invitée de Cana, celle qui s’abandonne à la joie de la noce, l’épouse émerveillée, elle ne peut croire que le ménage tiendra à force d’avoir posé devant le notaire les termes du contrat : elle s’enivre de la passion de Dieu pour les hommes et n’a qu’une seule tâche urgente : dire aux hommes : « Faites tout ce qu’il vous dira ».
L’Église est l’Église.
Au jour où elle retrouve les chemins de la table des noces,
Celle où elle reçoit le testament du Seigneur : « Prenez ceci est mon sang versé pour la multitude ».
Et si l’Église est invitée à la foi à cette table de Cana et à celle de l’Eucharistie, ce n’est pas pour elle-même ; elle y est convoquée eau nom de tous les hommes : « Venez tout est prêt pour le banquet » car, à cette table eucharistique, elle reçoit le testament du Seigneur : « Prenez ceci est mon sang versé pour la multitude ». Si elle rompt le pain et reçoit le vin c’est pour témoigner de l’Alliance offerte à tous : elle sera belle la salle de noces lorsque l’épousée sera allée sur les places publiques et aux détours des chemins pour inviter les estropiés et les étrangers.
Et ce jour-là, si le vin venait encore à manquer, c’est Dieu lui-même qui dirait : Puisez maintenant » !
Michel Teheux
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