Homélie pour le 26e dimanche du temps ordinaire
- Michel Teheux

- 27 sept.
- 3 min de lecture
26e dimanche du temps ordinaire - 28 septembre 2025
Évangile selon saint Luc 16, 19-31

Le gérant astucieux s’était fait des amis avec l’argent trompeur. Cette parabole de Jésus a bien fait ricaner les pharisiens.
Qui était ce Jésus pour leur faire ainsi la leçon ?
N’avaient-ils pas la loi et les prophètes pour gérer leur vie et la conduite des affaires de la cité ? Mais Jésus parasite et signe… « Il y avait une fois un homme riche… ».
Un homme qui n’a pas fait grand mal et Jésus ne lui reproche pas d’avoir faussé les balances pour remplir les coffres.
Il n’a même pas été malhonnête, j’imagine qu’il est né dans cette maison luxueuse où il reçoit royalement ses amis, qu’il trouve parfaitement normal de manger chaque jour à une table aussi bien garnie. Son bien, il ne l’a pas acquis et probablement a-t-il dû lutter pour le faire fructifier : les temps sont si souvent difficiles et, en affaires, il faut être attentif ! Il est satisfait, je veux dire : il pense que « tout est en ordre » ! Oh, bien sûr, il y a des pauvres, des malheureux ou des malchanceux, des incapables ou des paresseux.
Mais que faire ? C’est l’ordre des choses et on ne changera pas le monde !
Le riche de l’histoire devient donc l’image du satisfait et du résigné. Il ne voit rien, il a toujours vécu comme cela, il n’a jamais vraiment regardé le monde qui l’entoure et la parabole a sans doute raison de décrire le riche à sa table, vautré sur son lit tandis qu’il montre le pauvre, à l’extérieur de la maison, à la porte : un monde coupé en deux et chacun se résigne à cette division, sans se reconnaître vraiment, sans se rencontrer.
« Ce n’est qu’une histoire », me direz-vous. Mais on apprend la vie aux enfants en leur racontant des histoires. Résignés, satisfaits, nous le sommes. Ou plutôt insouciants, sans soucis, aveugles. Nous avons nos sécurités, nos habitudes, nos idées toutes faites, notre tempérament.
Depuis longtemps, nous avons capitulé devant un monde om la fatalité semble être la loi suprême. Quoi que nous fassions, pensons-nous, les choses iront où elles doivent aller.
Comment pourrions-nous nous reconnaître coupables dans un monde où la fatalité semble être la loi suprême ?
Comment pourrions-nous nous sentir et nous savoir concernés dans un monde où personne n’arrive à se découvrir responsable ?
Chacun s’enferme dans son quant à soi, isolé, protégé, aveuglé.
L’histoire continue et la parabole nous offre un second tableau. Le riche, l’insouciant, est mort. Il aura fallu qu’il meure pour prendre conscience. Maintenant il voit les choses avec ce regard intérieur que donne l’éternité. Il ressent le gouffre affreux, l’abîme infranchissable où il s’est laissé conduire : « Il était mon frère et je ne le connaissais pas ! Il était chez moi, à ma porte et je ne l’ai pas rencontré » !
Le riche voudrait qu’on aille alerter ses frères et qu’un mort ressuscite pour ouvrir les yeux aux hommes. Impossible !
Non qu’il soit trop tard, mais parce qu’ils n’écouteront quand même pas ! Voici où la parabole veut nous conduire : ils n’écouteront pas plus la voix de l’au-delà qu’ils n’écoutent aujourd’hui la loi et les prophètes. Au temps jadis, Amos avait eu beau agiter les sonnettes d’alarme ; rien n’avait empêché le roi et les sages de se précipiter vers la catastrophe nationale : l’exil confirmera les admonestations du prophète.
« Ils ont la loi et les prophètes… » la parabole nous ramène sur terre, chez nous, pour nous dire : regardez, ouvres les yeux, comprenez, entendez. Car il y a un péché qui ne pourra être pardonné : celui du désintérêt, de l’aveuglement, de l’insouciance. Déjà, aux premiers jours de l’univers Dieu condamna Caïn lorsqu’il répondait « Suis-je responsable du sang de mon frère » ? Car là est bien l’enfer : un gouffre, un abîme où chacun est perdu, dans un isolement total, dans une absence de toute communication, avec la conscience vive que personne ne peut vive s’il n’entre en relation avec personne.
« Vous avez la loi et les prophètes » !
Phrase terrible car elle atteste que si nous ne voyons pas, si nous n’agissons pas, nous ne pourrons pas nous réfugier derrière un alibi facile : « Je ne savais pas » !
La parabole, aujourd’hui, doit créer en nous une saine inquiétude.
La Parole de dieu viendra-t-elle à bout de notre insouciance ?
Notre communion sera-t-elle ouverture à la grande faim des hommes et comme la figure de notre vocation à partager une table où tous se retrouveront en frères ?
La Parole est sel et l’Eucharistie provocation.
Comme dit la télévision : « Autant savoir » !
Michel Teheux



