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Photo du rédacteurMichel Teheux

Gare à la contagion

6e dimanche du temps ordinaire - 11 février 2024

Évangile selon saint Marc 1, 40-45



Il est lépreux !

Au temps de Jésus, le lépreux, c’est le pestiféré, l’exclu, éloigné des villes et particulièrement de la Ville Sainte, Jérusalem, pour préserver sa sainteté. Voilà sur le visage, il n’est plus personne ; il doit fuir tout contact avec les humains…

Il est tenu à l’écart pour protéger la pureté religieuse du peuple de Dieu. Marqué dans sa chair, il l’est plus encore dans son être profond : il porte l’empreinte du péché et du châtiment de Dieu, il est pestiféré et impur.

 

Il était lépreux… Un homme, soudain, se retrouve de l’autre côté de l’homme. Pour une plaie, pour un abcès, il est prié de quitter l’humanité.

Mais c’est peut-être pour une manière de parler, ou de penser, ou de vivre, pour une couleur de peu, ou à cause de ce que la majorité ou le pouvoir appellent la normalité…

Ils sont priés de quitter l’humanité…

Que l’impur rejoigne l’impur et ne fasse pas tâche plus longtemps !... Exclus.

 

Mais lui a résisté ! Homme, il voulait rester un homme, être reconnu comme un homme. Pleinement, même si c’était douloureusement, homme. Alors que tout le pousse à s’éloigner, il s’approche : « Si tu veux, tu peux me purifier » !...

Alors le lépreux refuse qu’il faut rester à distance ; il ose braver les prescriptions et vient se jeter aux genoux de Jésus. Il est fou ! Écoutez-le, il dit des choses qu’on ne peut dire qu’à Dieu : « Si tu veux, tu peux me guérir !...

Et voici l’incroyable : Jésus le touche. Il dit les mots réservés à Dieu : « Je le veux, soit guéri » !

Il le touche et déclenche un séisme. Il le touche et ce touchez-là le réintègre dans l’humanité. En le touchant, Jésus déclenche un second tremblement ; il déplace une frontière, renverse un système : où est le pur ? où est l’impur ? L’ordre du normal, du sacré est touché en plein cœur.

 

L’Évangile ne sépare pas : il ne nie pas la tumeur mais il ne s’enferme pas dans la tumeur. Il n’emprisonne pas dans la souillure. Il ne réduit pas l’homme à ce qu’on estimait être son manque d’humanité.

Jésus le touche et refus de séparer ce qui est convenu de l’inconvenant, ce qui est saint et ce qui est malsain.

 

Il touche et se révèle comme le réconciliateur de ce qui paraissait inconciliable.

Il touche et, sans rien nier de ce qui diminue ou avilit l’homme, il l’appelle à traverser sa lèpre pour oser s’approcher. Passeur de vie à travers la mort.

 

Du coup, maintenant, c’est Jésus qui doit se tenir à distance des lieux habités, comme s’il était désormais le pestiféré. Le lépreux, lui, est rendu à la communauté des vivants et même renvoyé en leur compagnie, citoyen du monde à construire avec les autres.

Le Saint de Dieu renvoie l’homme redevenu homme à sa tâche d’homme : là est le lieu de sa sanctification.

Le mal et la désolation n’auront pas le dernier mot : l’homme est capable de l’homme !

L’amour ressuscite, l’amour est contagieux !

 

L’Église, vous et moi, oserons-nous nous approcher de la médiocrité de l’humanité si peu humaine encore ?

Oserons-nous dire à tous les exclus, à tous les excommuniés, à tous les pestiférés de la bonne morale, les rejetés de la bonne conscience, les condamnés des saintes règles, oserons-nous dire : « Veniez ! Ici est le lieu où chacun peut être reconnu, pardonné, follement aimé sans condition » !

 

Il est décidément dangereux de se frotter à Jésus ! Attention : il est contagieux !

Il appelle à toucher l’humanité de l’humanité pour que tout ose traverser sa pauvre vie. Il invite à habiter le profane avec une telle intensité qu’il devienne sacré.

Nous sommes, comme tous, blessés par l’existence et personne n’échappe à la médiocrité ni au tragique de la vie. Pour ceux qui se laissent toucher par la Parole de Jésus, il y a une seule différence : conscients de cette blessure, nous refusons de nous en accommoder et nous en faisons une grâce. Touchés par l’amour, nous nous risquons à aimer, toujours, sans condition, au-delà de toute mesure, et même au risque d’être considérés comme pestiférés au regard de la raison et du convenable.

 

Peut-être, tous comptes faits, vaudrait-il mieux ne pas nous laisser toucher par cette Parole et de ne pas être « malades de l’Évangile »…

 

Michel Teheux




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