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Photo du rédacteurMichel Teheux

En regardant une pauvrette…

Dernière mise à jour : 24 nov.

32e dimanche du temps ordinaire - 10 novembre 2024

Évangile selon saint Marc 12, 38-44



Longtemps Jésus a marché avec ses disciples et jusque dans sa chair il a ressenti l’opposition, que sa présence faisait naître. Il a affronté le mal sous toutes ses formes et maintenant il est dans le Temple. Le temps des controverses est clos ; la rupture entre Jésus et les autorités religieuses du Judaïsme est consommée. Bientôt Jésus annoncera la destruction du Temple. Du même coup périront les observances légales d’un monde caduc. Les « derniers événements » sont tout proche et les adversaires de Jésus tomberont avec le monde qu’ils représentent.

 

Dans le Temple Jésus regarde une pauvre femme ; elle vient de jeter dans le tronc des offrandes tout ce qu’il lui fallait pour vivre. Elle n’a rien retenu pour elle. Veuve, elle était déjà privée de tout appui humain ; avec l’étranger et l’orphelin, elle représente le vivant symbole de l’opprimé sans défense. Mais, comme la veuve de Sarepta, elle se dépouille ; elle est maintenant sans rien, sans biens matériels et même sans qualités religieuses. Elle va se cacher derrière un pilier : « Seigneur, je ne suis pas digne d’avancer » ! Sur le parvis, les riches étaient leur générosité et les scribes se pressent au premier rang. Mais elle, la veuve, elle n’a plus rien à offrir.

 

« Qui veut sauver sa vie la perdra, et qui la perd la sauvera » ! Jésus sent la vie lui échapper ; il va se dépouiller et ne garder rien pour lui ; sa tunique sera tirée au sort et ses vêtements partagés. On lui volera même sa mort ; lui qui voulait parler au nom de Dieu, il sera condamné comme un vulgaire instigateur à l’insurrection. Il s’attribuera le dernier rang ; il s’en ira « rebut du peuple et sans noble apparence », pour être pendu hors de la Ville. Pendant ce temps, les hommes, sûrs de leurs richesses et forts de leur bonne conscience, continueront à croire en un salut qu’ils s’attribuent eux-mêmes.

 

Mais la pauvre femme a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. Jésus s’est reconnu en elle ! Elle a tout donné parce qu’elle aime avec passion ; Jésus donner tout pour que les hommes reconnaissent la passion de Dieu. Le pauvre de Dieu s’en rira ; il sera dépouillé, mais il enrichira ceux qui découvrent en eux-mêmes un cœur de pauvres. Il s’étendra nu, comme il était venu au monde ; mais dans sa mort il fera renaître l’homme, et Dieu comme au jour de la création, s’écrira que c’est l’œuvre la plus belle sortie de ses mains.

 

Jésus regarde la femme et elle lui rappelle la route qui le mène vers Dieu. Un temps va venir où les hommes ne pourront plus supporter que Dieu fasse grâce gratuitement et qu’il faille tout vendre pour entrer dans le Royaume. Mais lui, dans le geste d’une pauvresse dont la pitoyable offrande ne pourrait guère financer un holocauste, il voit déjà le jour où, comme elle, il offrira toute sa vie, une fois pour toutes. De ce geste que nul n’a remarqué tant il était peu remarquable, Jésus a lui son propre destin.

Cette femme qui donne tout sans bruit lui dit qu’il va bientôt tout donner sans déranger la fête des Juifs. Dernier langage de son amour, sa passion ne sera que silence et offrande.

 

Frères et sœurs, vous n’êtes pas invités à dépenser vos dernières ressources en aumônes imprudentes. L’Évangile vous engage à aller plus loin encore. Il vous faut abandonner vos assurances et ne plus vous draper dans le manteau des suffisants. Il vous faut délaisser la superbe des riches trop sûrs de leurs vertus.

Regardez donc longuement la veuve de l’Évangile : elle vous rendra pauvre, indigne de Dieu.

  

Michel Teheux



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