5e dimanche de Carême - 17 mars 2024
Évangile selon saint Jean (Jn 12, 14-21)
Nous voudrions voir Jésus » !
Cette demande est nôtre. Nous aussi, nous voudrions découvrir cet homme dont on nous a parlé, nous aussi, nous désirons lever le voile sur son mystère et contempler son vrai visage.
La demande des contemporains de Jésus va sans doute au-delà de la simple curiosité, de cette vaine curiosité qui entoure les apparitions des vedettes et leurs fausses apparences de gloire : s’ils veulent le voir, c’est sans doute par s’attacher à ses pas et écouter ses paroles, devenir disciples.
Notre demande à voir Jésus, c’est pour l’aimer et lui donner notre foi !
« Nous voudrions voir Jésus » !
C’est l’heure, toute proche, de la Pâque et de la Passion.
Déjà le Grand Conseil a décidé la mort du prophète, alors même que la foule acclamait son Messie d’un jour, entrant dans sa ville, monté sur l’âne des petites gens.
L’heure va sonner, cette Heure dont il est question lors du 1er signe de Jésus à Cana – « Femmes, mon Heure n’est pas encore venue » ! Oui nous sommes reconduits au début de l’Évangile : « Venez et vous verrez » ! avait dit Jésus aux premiers disciples.
« Nous voudrions voir Jésus « « Venez et voyez » !
Le visage de Jésus, ce sera celui d’un homme défiguré par la souffrance ; le visage de Jésus, ce sera un visage qui n’aura même plus apparence humaine.
« Nous voudrions voir Jésus » et ce qui nous sera donné à contempler, c’est un gibet d’infamie.
« C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure » ! dira Jésus.
L’Heure vers laquelle tendait toute notre vie, c’est l’heure du grain qui meurt, pourri en terre.
« Ils n’auront pas besoin d’instruire chacun son compagnon » !
Telle était l’annonce du prophète. Les hommes n’auront plus à apprendre le nom de Dieu, ils n’auront plus à chercher, car voici venir des jours dits Dieu ou j’inscrirai en leur cœur l’alliance que je veux conclure avec eux.
« Ils n’auront plus besoin de s’instruire » puisque la foi tient toute entière en cette contemplation d’un gibet d’infamie. Seule la croix dressée sur le monde révèle vraiment le nom de Dieu.
« Venez et voyez » !
« C’est pour cette heure que je suis venu » !
Sur la croix Jésus récapitulera toute sa vie ; sur le Golgotha se condenseront toutes ses paroles et le gibet de condamnation incarnera en un résumé étonnant tous ses gestes.
« Nous voudrions apprendre Dieu », et seuls connaitront son nom, ceux qui contempleront le visage défiguré du Sauveur.
Conduit à la perfection de sa vie vouée à faire la volonté du Père, Jésus est devenu pour tous ceux qui le contemplent en sa passion la cause, l’artisan du salut éternel.
L’Heure est venue pour le Fils de glorifier le Père : la croix incarnera en une passion douloureuse la passion amoureuse de Dieu. Heure suprême de l’obéissance et de la fidélité du Fils qui devient l’heure de notre alliance à la vie. Heure où un homme, né de notre chair, ira jusqu’au bout de la volonté de Dieu, sera enfin ce que Dieu veut de l’homme. Heure de l’Homme enfin homme parce qu’il dira dans la vérité de sa vie et de sa mort : « Me voici pour faire ta volonté, en moi tu as mis toute la complaisance » !
Heure de l’Alliance puisqu’une répondre s’amour sans reprises est donnée à l’offre d’amour sans reprise de Dieu. Heure vers laquelle converge toute l’histoire sainte et toute l’histoire de l’univers : un homme est à la mesure de Dieu puisqu’il se révèle comme Fils de Dieu.
Heure du grain jeté au sillon du Golgotha, mais aussi heure du grain qui lève, car « s’il meurt, il donne beaucoup de fruits ». Heure pascale, car du sillon ouvert surgira la moisson promise.
« Nous voudrions voir Jésus » ! et nous voici conviés à nous plonger dans le mystère du grain qui meurt : il n’y a pas d’autre moyen pour voir Jésus que de nous engager à sa suite ; comme aux premiers disciples il nous est dit : « Venez et voyez » !
Seuls ceux qui auront mis leurs pas en ceux du Saint marchant vers la croix pourront comprendre quelque chose de son mystère : « si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive et là où je suis, là aussi sera mon serviteur » !
La loi du grain qui meurt est désormais la règle de vie du disciple.
Si notre carême devient temps de conversion et apprentissage d’obéissance et de fidélité aux exigences de la Parole de Dieu, il sera pour nous temps des semailles en attente des moissons et temps des enfantements en attente de naissance.
Il n’y a de conversion que dans l’attachement à la volonté de Dieu pour qu’en la nuit très sainte il puisse nous être dit : « Je mets ma Loi au plus profond d’eux-mêmes, je l’inscris dans leur cœur. Je suis leur Dieu et ils sont mon peuple ».
Il n’y a de carême qu’en prélude à Pâques, car si le grain est jeté en terre, c’est pour réjouir, bientôt, très bientôt, les moissonneurs.
Michel Teheux