Du silence du tombeau résonne le cri pascal
- Frédéric Kienen
- 19 avr.
- 5 min de lecture
Dimanche de Pâques
20 avril 2025

Chers Frères et Sœurs,
Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia ! Alléluia ! Ce cri pascal, vieux de deux mille ans, est plus qu’une formule liturgique : c’est une déclaration révolutionnaire. Ce cri change tout, car ce cri transforme le sens de notre vie, de notre foi… de l’histoire humaine. Ainsi, ce matin de Pâques, l’Église ne nous propose pas une belle image ni un récit symbolique. Elle nous annonce un fait, un événement unique : Jésus est ressuscité des morts. Cet événement est donc fondamental, car il vient heurter et bouleverser de façon radicale notre humanité, non pas par la violence… mais par l’Amour ; créant ainsi un véritable bouleversement cosmique et une révolution pour la foi, en scellant une nouvelle Alliance comme la promesse d’un avenir nouveau pour l’humanité.
Tout d’abord, l’Évangile de Jean, tout en mouvement, où les moments statiques et immobiles font émerger la profondeur de ce signe glorieux, nous plonge dans les premières heures de ce bouleversement. Le récit est sobre, presque silencieux. Pas d’anges qui chantent, pas de trompettes célestes. Seulement une femme, Marie Madeleine, qui se rend au tombeau « de grand matin, alors qu’il faisait encore sombre ». Remarquons que l’évangéliste prend soin de noter les détails : l’heure, le jour, les gestes. Cela ne relève pas de l’imaginaire ou du mythe… mais de la mémoire. Marie voit que la pierre a été enlevée. Puis, saisie par ce moment, dans un silence immobile où même les battements de son cœur semblent s’être arrêtés, c’est la rupture. Elle court (inutile de faire un grand effort de notre imagination pour saisir l’énergie du désarroi et de la panique qui la meut). Elle court d’arrache cœur vers Pierre et Jean pour les informer du vide suffocant du tombeau. À bout de souffle, elle leur passe maintenant le relai… et ils accourent à leur tour vers le centre de tout. Et puis, c’est le silence à nouveau… un silence irréel, grave et profond cette fois-ci. Jean remarque les linges posés à plat, le suaire roulé à part… comme une mise en scène empreinte de solennité. Ces détails nous plongent dans une scène historique, presque policière : non, ce ne peut pas être un vol. Jean entre enfin à la suite de Pierre dans le tombeau. Et c’est dans ce silence patient que l’ultime révélation commence à être saisie. Il voit… et il croit. Il croit, non pas parce qu’il a vu Jésus vivant – cela viendra plus tard – mais parce qu’il voit des signes concrets, tangibles, et qu’il comprend que quelque chose d’inouï s’est produit. Quelqu’un a vaincu la mort, et il l’a fait paisiblement, sans fracas, laissant derrière lui les signes de sa victoire. Toutefois, « ils n’avaient pas encore compris que, selon l'Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » Ainsi, ce que l’Évangile nous dit, c’est que la Résurrection s’inscrit dans l’histoire réelle, celle de l’humanité, afin de la recréer. Elle n’est pas un rêve ni une illusion. C’est Dieu qui intervient dans notre temps, dans notre monde, pour faire surgir la vie là où tout semblait fini. Et c’est au départ de ce fait, ce tombeau réellement vide, devenant l’ultime signe de la Résurrection, que la Gloire de notre Seigneur va se révéler totalement et indubitablement pour devenir le socle de notre foi.
Avec la Résurrection, ce qui change tout, ce n’est pas seulement que Jésus soit vivant, c’est que le mal, le péché et la mort elle-même ont été vaincus. C’est cela que les disciples vont comprendre progressivement. Ce matin-là, leur foi n’est pas encore complète. Elle est fragile, confuse, mais elle naît dans un bouleversement intérieur, au contact du réel. La Résurrection devient alors le cœur battant de la foi chrétienne. Ce n’est pas une idée parmi d’autres, c’est la clé de voûte. Comme le dira plus tard saint Paul : « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine. » Mais s’il est vraiment ressuscité, alors tout ce qu’il a dit est vrai. Son pardon, sa promesse de vie éternelle, son appel à aimer nos ennemis : ce ne sont pas de belles paroles, ce sont des vérités ancrées dans la puissance de Dieu. Ainsi, croire en la Résurrection, ce n’est pas seulement croire qu’un jour nous irons au ciel. C’est croire que, dès maintenant et pour toujours, la vie peut renaître en nous, que Dieu agit dans nos tombeaux intérieurs pour nous faire sortir à la lumière.
Enfin, la Résurrection demeure une révolution qui touche le sens même de notre humanité, de son histoire et plus encore de son avenir. En effet, la promesse du salut – effectif dorénavant – n’est pas réservée à un petit cercle de privilégiés, aux uniques témoins ou disciples de Jésus. Pierre l’affirme d’ailleurs dans les Actes : « Tout homme qui croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. » Ainsi, la Résurrection de notre Seigneur est un don d’amour universel, pour tous les peuples, pour chaque personne, pour toi et pour moi aujourd’hui. C’est une nouvelle création qui commence, un avenir ouvert pour l’humanité. Car ce que Dieu a fait pour Jésus, Il veut le faire pour chacun de nous : nous relever de nos chutes, de nos ténèbres, de nos impasses. Et Il nous confie une mission : être les témoins de cette lumière dans un monde encore marqué par la peur, la souffrance et la mort.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, la Résurrection de notre Seigneur, ce n’est pas l’happy end de son Incarnation, mais bien un happy beginning, du fait qu’elle inaugure non pas la fin, mais le recommencement d’un monde nouveau et renouvelé. La Résurrection, c’est une révolution discrète – certes le tombeau est vide –, mais puissante, car elle est le signe ultime que le Vivant nous précède. La Résurrection, c’est donc une révolution silencieuse, qui ne fait pas de bruit, mais au final qui change tout. Pourquoi ? Car Dieu ne se contente pas de nous consoler… Il nous recrée entièrement et nous rend capables à nouveau de nous élever vers Lui. Et par le baptême, nous participons déjà à cette vie ressuscitée et à la construction de Son Royaume. Ainsi, aujourd’hui encore, le Christ ressuscité vient dans nos obscurités, dans nos ténèbres, dans nos doutes ou dans nos deuils. Il nous rejoint, non pas avec des réponses toutes faites, mais avec une présence, une paix, une lumière afin de nous « relever », de « ressusciter » à sa suite dans son Amour.
Alors, en ce matin de Pâques, ouvrons notre cœur à cette vie nouvelle. Ne restons pas figés dans le désarroi devant le tombeau vide. Courons à la rencontre du Ressuscité. Laissons-le faire de nous des hommes et des femmes debout, porteurs d’espérance pour notre monde. Faisons résonner ce silence du tombeau en un cri d’Amour : Christ est ressuscité ! Oui, il est vraiment ressuscité !
Amen. Alléluia !
Frédéric Kienen