Dieu, patient, attend notre réponse à son Amour
- Frédéric Kienen
- 22 mars
- 4 min de lecture
3e dimanche du Carême - 23 mars 2025
(Ex 3, 1-8a.10.13-15, 1 Co 10, 1-6.10-12 et Lc 13,1-9)

Chers Frères et Sœurs,
Face aux tragédies qui frappent notre monde et nous bouleversent profondément, nous sommes souvent tentés de chercher un coupable. Les événements récents que nous suivons dans l’actualité – entre les guerres, les fusillades, les insécurités, les décès par maladie, les catastrophes naturelles, etc. – nous rappellent que cette question n’est pas nouvelle, car dès le temps de Jésus, des drames faisaient déjà vaciller la foi des Juifs… des Galiléens massacrés par Pilate, la tour de Siloé qui s’effondre sur dix-huit personnes. Face à ces drames, certains cherchaient une explication, peut-être une faute cachée, un péché puni par Dieu, suscitant les mêmes questions profondes que nous nous posons encore aujourd’hui : « Pourquoi ? » « Où est Dieu dans tout cela ? » Bref, ce cri du cœur face à l’adversité n'est pas nouveau ; ce cri du cœur qui, s’il vient briser jusqu’à couvrir le silence de notre marche dans le désert du Carême, peut nous écarter de l’essentiel : notre confiance, notre foi en l’Amour de Dieu. Ainsi, les Lectures de ce jour sont présentes pour nous rassurer, à l’image de Jésus qui, loin de céder à l’esprit de jugement, ne désigne pas Dieu comme coupable. Jésus ne donne pas d’explication simpliste. Il nous invite à une conversion du cœur, ancrée dans la présence (cette présence que nous avons tendance à oublier) et l’indéfectible Amour de Dieu pour chacun ses enfants en souffrance.
Pour saisir cette présence de l’Amour de Dieu dans nos vies, même quand tout semble nous éloigner de Lui, regardons d’abord Moïse. Dans ce célèbre récit, Moïse fait une rencontre bouleversante avec Dieu dans le buisson ardent où révèle son véritable nom : « Je suis Celui qui est. » Ce nom n’est pas un mystère à décrypter, mais une invitation à la relation entre Dieu et Moïse – et donc entre Dieu et l’humanité tout entière –, une invitation à l’intimité de se connaitre et se reconnaitre. En effet, « Je suis », c’est Celui qui est toujours présent, Celui qui entend la souffrance de son peuple et descend pour le libérer. Dieu n'est donc pas un spectateur lointain ni un juge implacable. Plus précisément, Dieu n’est ni distant ni indifférent à la douleur humaine, car Son nom même est promesse de proximité et de fidélité. Ainsi, pour nous, connaître le nom de Dieu (Lui qui nous connait mieux que nous-mêmes) c'est connaître son Amour, un Amour qui agit, qui relève, qui libère et qui sauve.
Cette réalité de la présence de Dieu au plus intime du cœur dans les épreuves de son peuple élu, saint Paul vient l’actualiser. En effet, ces tragédies révèlent surtout que, même si le cœur des Israélites conduits par Moïse s’est parfois égaré, Dieu est resté (et reste encore) patiemment au plus près d’eux. En ce sens, pour saint Paul, ces événements de l’Ancien Testament résonnent comme un avertissement et une mise en garde universelle qu’il nous adresse encore aujourd’hui : ne sombrons pas dans la tentation du rejet, de l’indifférence ou de la plainte en prenant la patience de Dieu pour de l'indifférence à notre égard… Lui qui est dans l’attente de notre réponse libre à son Amour. Saint Paul nous appelle donc à rester vigilants et fidèles, à ne pas nous endormir dans la routine ou la suffisance, mais à garder notre confiance en Dieu même dans les épreuves de la vie.
Enfin, dans l’Évangile, Jésus commence par corriger ceux qui pensent que les victimes de catastrophes seraient plus pécheurs que les autres. D’ailleurs, Il ne leur donne pas d'explication simpliste et ne désigne pas Dieu comme coupable. Pourquoi ? Car Jésus tend à changer leur compréhension du monde face à la réalité de l’imprévisibilité de l’accident ou de la liberté de tout homme concrétisée en un acte mauvais. Jésus précise ainsi que ces tragédies ne sont jamais le fruit d’un jugement divin impitoyable lié à un péché ou d’une prédestination ; et ce, car Dieu est et demeure Amour et veut le Bien de ses enfants. Dès lors, ces tragédies doivent être vécues comme une invitation à la conversion. Pour saisir le sens de cette conversion, Jésus raconte la parabole du figuier stérile qui nous révèle encore un peu plus le visage de ce Dieu patient. En effet, devant l'arbre qui ne porte pas de fruits, le propriétaire voudrait le couper vu qu’il ne produit rien et donc inutile. Toutefois, le vigneron demande du temps : « Laisse-moi encore cette année ; je vais creuser la terre et y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. » Par cette parabole, nous comprenons que Dieu n’est pas le maître pressé d'abattre l'arbre, mais bien le jardinier plein de patience qui creuse, qui met de l'engrais, qui espère encore que nous portions du fruit. En ce sens, Dieu croit en nous, même quand nous doutons de nous-mêmes. Il demeure présent à nos côtés, en attendant notre cri de foi et notre conversion, non pas dans la peur, mais dans l’espérance.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, voilà quelques traits du visage de Dieu révélé dans son nom : patience, miséricorde et espérance. Face aux drames de la vie, la réponse chrétienne n'est pas l'accusation ni la résignation, mais la conversion du cœur, car Dieu ne se lasse pas de nous attendre. Connaître le nom de Dieu et l’invoquer dans nos cœurs, c’est découvrir qu’Il est Amour. Se convertir, c'est apprendre à reconnaître Dieu dans les signes de la vie, dans la beauté qui surgit même au cœur des épreuves. Ainsi, plutôt que de rendre Dieu responsable de nos malheurs, de nos faiblesses ou de nos difficultés à Le voir à nos côtés durant ce temps de Carême, tournons-nous plutôt vers Lui pour y puiser la force de traverser les affres de la vie et porter du fruit en abondance… pour être des porteurs d'espérance et des artisans de son Amour.
Amen. Maranatha.
Frédéric Kienen