3e dimanche du temps ordinaire - 26 janvier 2025
Évangile selon saint Luc 1, 1-4 ; 4, 14-21

« Aujourd’hui s’accomplit cette Parole ». Comment a-t-on pu penser que notre foi nous désintéressait du présent, que nous nous retranchions de la vie des hommes, de leurs luttes, de leurs espoirs, de leurs échecs et de leurs habitudes ?
Aujourd’hui… nous ne pouvons être des nostalgiques d’un passé révolu. « Pourquoi regardez-vous vers le ciel, il n’est pas là », c’est le message des anges à l’Ascension pour l’Église de tous les temps, tentée de s’évader vers un temps privilégié. Notre foi n’est pas la mémoire entretenue d’un temps dont nous devrions regretter qu’il soit terminé. Nous ne sommes pas des hommes du passé.
Nous ne sommes pas non plus des estropiés en mal d’a-venir. Oui, sans doute, il est inhérent à notre foi d’attendre et, au cours de son histoire, l’Église a trop souffert de s’être prise trop au sérieux, oubliant qu’elle n’était pas la fin de l’histoire du salut, mais sa servante ; nous avons trop oublié l’espérance et la veille. Mais ce serait les défigurer que d’identifier la foi avec un espoir entretenu vaille que vaille d’un temps où tout, enfin, serait beau, un paradis qui nous tomberait du ciel. Notre foi ne nous oriente pas vers un futur sans cesse repoussé plus loin.
Nous sommes des hommes du présent. De l’éternel présent de Dieu. Si nous nous tournons vers notre passé, vers ce qui est arrivé « en ce temps-là », c’est pour reconnaître ce que nous sommes aujourd’hui. Parce que nous confessons qu’en ce Nazaréen, Dieu s’est totalement révélé si bien que lui seul puisse vraiment dire : « Père », aujourd’hui nous croyons que son Esprit redit ces mots en nos cœurs. Parce que nous confessons qu’un homme s’est levé hors du tombeau un matin de dimanche, nous croyons qu’aujourd’hui la vie a le dernier mot, quelles que soient les apparences contraires. Nous ne nous tournons pas vers notre histoire originelle avec nostalgie parce que c’est aujourd’hui que l’Esprit nous est manifesté.
Saint Luc, l’évangéliste, découvre l’identité de Jésus c’est dans la vie des communautés chrétiennes qu’il le fait : c’est dans les signes de la vie selon l’Esprit de Jésus qu’il découvre la révolution que le Nazaréen introduit dans l’histoire.
De même c’est en expérimentant aujourd’hui comment modeler la figure de la vie chrétienne dans les défis d’aujourd’hui que les croyants peuvent réapprendre les exigences de l’Évangile. Elles ne sont pas imposées, comme du dehors, « plaquées » sur une réalité que nous essayerons, tant bien que mal, d’adapter à ces exigences.
Non, les devoirs de l’Évangile surgissent comme des appels intérieurs sans défis d’aujourd’hui. « Aujourd’hui s’accomplit la Parole ». C’est – il faut le dire malgré de ce qu’on voudrait nous faire croire aujourd’hui -, dans la vie des hommes que surgit la Bonne Nouvelle du salut. Non pas surimposée, mais comme intense.
Nous n’avons pas à mettre Dieu dans la vie des hommes, comme s’il n’y était pas, nous avons à faire apparaître que déjà il y est. Dans leurs recherches, leurs questions, leurs hésitations, leur espérance et même leurs égarements.
Et c’est en élaborant vaillamment notre manière d’être chrétien aujourd’hui pour devenir ce que nous pressentons être que nous découvrons, - grâce donnée par surcroît -, que nous sommes des hommes et des femmes identifiés par grâce en Jésus Christ : en cherchant dans les appels des hommes d’aujourd’hui les appels de l’Évangile nous nous étonnons de nous découvrir chrétiens.
Aujourd’hui s’accomplit la Parole. Nous ne pouvons être que des hommes du présent : l’Évangile s’écrit aujourd’hui, dans la vie de ceux qui croient en Jésus, le Sauveur.
Et si nous nous tournons vers ce qui doit encore nous arriver, « ce jour-là, si nous sommes des hommes d’espérance, ce n’est pas pour nous arracher aux urgences du temps.
Si nous prions pour qu’advienne le Temps de Dieu c’est pour être rendus responsables de l’incarnation de l’Évangile.
Car il n’y aura d’autre moisson que celles des fruits d’aujourd’hui semés.
Il n’y a d’Église que celle que connaît l’audace du cultivateur qui se penche laborieusement, mais avec tant d’amour vers la terre. Car c’est en elle que germe la récolte.
Michel Teheux