21e dimanche du temps ordinaire - 25 août 2024
Évangile selon saint Jean (6, 60-69)
Ce que dit Jésus est insupportable ! C’est insensé ! Cette fois, ce ne sont plus ses adversaires qui parlent, mais ses disciples. Jusqu’ici ils l’ont suivi et écouté avec sympathie, et parfois avec enthousiasme. Mais maintenant ils le quittent, par petits groupes, ils ne comprennent pas, le cœur n’y est plus.
Comment va réagir Jésus ? Il pourrait adapter ses exigences, faire des concessions, tirer les conclusions de cet échec. Mais un prophète se caractérise par sa radicalité : « Cela vous heurte ? Les paroles que je dis sont cependant vérité, mais il en est qui ne croient pas » ! Au lieu de racoler ses disciples par un discours facile, Jésus provoque au choix : « Voulez-vous partir, vous aussi » ?
Vous connaissez les publicités qui disent : « Faites-nous confiance, confions-nous vos affaires, nous pensons à vous » ! La confiance que l’on demande est un chèque signé en blanc, un véritable asservissement. Mais la vraie rencontre est à un autre prix : notre liberté n’a que le poids de notre engagement. « Choisissez, voulez-vous partir » ? La question les oblige à devenir des hommes. Debout. Comment Jésus pourrait-il annoncer la passion de Dieu pour la vie s’il n’éveillait l’homme à la liberté ? On connait trop les manifestations « spontanées » des régimes totalitaires et la peur du « qu’en dira-t-on » ? pour ignorer que toute atteinte à la liberté de l’homme diminue sa dignité. Les disciples de Jésus ne seront ni une foule dont on a tué l’âme ni un agrégat sans paroles ! Désarmant « Veux-tu » ? car il n’a d’autre force de conviction que sa faiblesse, proposition qui n’existe que dans le risque de la remise de soi à l’autre. Désarmant et désarmé « veux-tu » ?
« Je te propose deux voies : à toi de décider ce que tu veux faire » ! Certains préfèreraient ne pas entendre ou pouvoir répondre : « je fais comme on a toujours fait, je fais comme on me l’a appris » ! remettant à d’autres la responsabilité du choix qu’ils ont à faire eux-mêmes. Et nous savons bien que, ce faisant, nous abandonnerions notre dignité d’homme : la grandeur de l’homme est dans sa liberté et le risque qu’il assume. Le risque est peut-être un danger, mais il est surtout une chance offerte. Oui le risque est notre chance parce que la vie est du côté du risque et non des assurances toutes faites ou de la liberté jugulée. Désarmant et désarmé « veux-tu » ? : risque d’une question ouverte, mais surtout chance d’une relation reconnue, nouée, assumée, accomplie. Il n’y a pas d’alliance en dehors de ce risque et pas de foi en dehors de cette question.
« Voulez-vous partir » ? Frères et sœurs, vous êtes-vous déjà posé la question : « Resterai-je ou quitterai-je » ? C’est lorsqu’elle jaillit dans les tréfonds de notre cœur que nous sommes mis en situation de croire. En dehors de cette question, il y a l’habitude, le conditionnement d’une éducation, la pression sociale, la peur de changer, ou bien d’autres raisons qui ne sont que des alibis. Il nous faut laisser patiemment retentir cette interrogation en nous-mêmes, « Resterai-je » ? : en elle nous découvrons la chance de la foi et de la rencontre. Non pas après le doute, non pas par-dessus cette question, ou à côté, ou en plus. La foi n’est pas au-delà du doute, elle est le doute reconnu et, par-là, et par là seulement, dépassé.
Et surtout, n’allez pas penser donner une réponse une fois pour toutes. Nous n’avons pas encore goûté la foi, l’indescriptible rencontre, si quelque part dans notre cœur, nous n’avons ressenti la craintive hésitation : « Vers qui irons-nous : c’est toi qui peux avoir pour nous les paroles de la vie éternelle.
Michel Teheux