3e dimanche de Pâques
- Frédéric Kienen
- il y a 7 jours
- 4 min de lecture
Évangile selon saint Jean 21, 1-19
4 mai 2025

Chers Frères et Sœurs,
Le Christ est ressuscité ! Alléluia, alléluia ! Il est vraiment ressuscité ! Alléluia, alléluia ! Et cette Bonne Nouvelle ne concerne pas seulement Jésus, mais chacun de nous. Car si Jésus est vivant, cela veut dire qu’il continue aujourd’hui à rejoindre nos vies, à les relever, à les illuminer, à leur donner sens.Il ressuscite nos vies en y apportant la joie pascale — une joie profonde, qui ne dépend pas des circonstances, mais bien d’une présence : celle du Vivant. Et cette transformation, il nous l’offre en nous adressant une parole simple mais décisive : « Suis-moi ! » Mais que signifie suivre le Christ ressuscité ? Et comment cela apporte-t-il la joie pascale, cette joie profonde, indéracinable, même au milieu des épreuves ?
Dans les Actes des Apôtres, nous voyons Pierre et les autres apôtres confrontés au refus et à la violence du monde. Ils ont été arrêtés, menacés, battus, parce qu’ils annoncent la résurrection de Jésus. Pourtant, le texte nous dit quelque chose de presque déroutant : « Ils repartirent tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. » Une réaction qui ne peut que nous interpeler et nous questionner… Mais quelle est donc cette joie qui naît au cœur même de la persécution ? Prenons un peu de recul et d’objectivité : ce que vive les apôtres n’exprime pas une joie superficielle. De même, en regard du résultat – les coups et les brimades – cette joie n’est pas non plus le fruit de l’orgueil… de l’orgueil spirituel. Non ! Cette joie est plus profonde et sincère, capable de toucher entièrement et totalement l’être de chacun (corps, âme et esprit). Cette joie, c’est la joie pascale : celle qui vient d’une vie unie au Christ, offerte à sa mission, et remplie de sa force. La joie pascale, c’est la réponse des apôtres qui ont entendu l’appel du Ressuscité : « Suis-moi » — et ils y ont répondu avec fidélité, avec courage. Toutefois, cette fidélité et ce courage ne sont pas immédiats ni automatiques. Ils passent souvent par des détours, des échecs, des recommencements. C’est ce que nous montre magnifiquement l’Évangile de Jean. Dès lors, revoyons ensemble cette scène.
Les disciples sont retournés à la pêche, comme s’ils tentaient de reprendre leur ancienne vie, après les événements bouleversants de la Passion. Mais sans Jésus, cela ne donne rien… « cette nuit-là, ils ne prirent rien ». Le fruit de leurs efforts est stérile. Et c’est dans ce moment de vide que le Ressuscité les rejoint, sans bruit, au petit matin. Il se tient sur le rivage. Il les interpelle, les guide, leur fait faire le bon geste, et voilà que les filets débordent. Et surtout, Jésus les attend avec un feu allumé, un repas préparé. Il les rassemble. Il les nourrit. Comme autrefois, au soir du Jeudi saint, il se fait serviteur. Mais cette scène paisible cache un cœur bouleversé : celui de Pierre.
Car c’est là que se joue une des scènes les plus poignantes de cet Évangile. Jésus prend Pierre à part, et lui pose trois fois la même question : « M’aimes-tu ? » Ce triple appel qui fait douloureusement écho aux trois reniements de Pierre dans la nuit de la Passion. Mais Jésus ne revient pas sur la faute pour l’accuser : il revient pour la guérir en invitant Pierre à un chemin de vérité et de réconciliation. Et ce dialogue, si simple en apparence, est en réalité très profond car, en grec, les mots employés sont différents en fonction du sens. En effet, la première fois quand Jésus dit : « M’aimes-tu (agapas-me) », il parle d’un amour total, infini et inconditionnel. Or Pierre, humble et contrit après sa chute, estime ne peut plus pouvoir prétendre à un amour parfait ; d’où il lui répond : « Seigneur, tu sais que je t’aime (philô-se) », dans le sens d’un amour d’amitié. Puis, la deuxième fois, dans le même sens que la première, Jésus répète : « M’aimes-tu (agapas-me) ? » Et Pierre, toujours réaliste, reprend : « Je t’aime (philô-se) ». Puis, comme un basculement, la troisième fois, Jésus descend au niveau de Pierre : « M’aimes-tu (philêis-me) », compris cette fois-ci dans cet amour d’amitié. Alors Pierre est bouleversé parce qu’il comprend que Jésus accueille son amour tel qu’il est, à sa mesure. Jésus ne lui demande pas plus que ce que Pierre ne peut donner, mais il lui fait confiance quand même car il sait que Pierre est enfin prêt à être élevé par lui. Et c’est dans cette compréhension mutuelle que Pierre répond enfin avec tout son cœur : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime », c’est-à-dire de son amour humain et imparfait et pourtant relié et élevé par cet Amour total et infini, cet agapè du Christ ressuscité.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, c’est bien là que se joue notre propre chemin pascal. Le Christ ne nous demande pas l’agapè, l’Amour parfait, mais bien le philéô, l’amour d’amitié, c’est-à-dire vrai, humble, confiant et à notre mesure. Mais cette perfection ne nous est toutefois pas inaccessible, car le Christ nous relève de nos reniements, de nos tiédeurs, de nos nuits stériles. Car le Ressuscité vient nous chercher là où nous sommes en nous disant : « Suis-moi ». Et ce « suis-moi », c’est le vrai chemin de la joie pascale. Ainsi, suivre le Christ, c’est marcher dans la lumière, même au milieu des épreuves ; c’est savoir que notre vie même blessée a du prix à ses yeux ; c’est trouver dans notre relation avec lui une paix, une joie, une force que rien ne peut nous enlever. Alors aujourd’hui, laissons résonner ces deux paroles du Christ ressuscité dans notre cœur : « M’aimes-tu ? », non pas pour nous accuser, mais bien pour nous relever ; « Suis-moi », non pas pour nous imposer un fardeau, mais bien pour nous ouvrir à la vraie joie. Ainsi, demandons-lui le courage et la grâce de répondre nous aussi comme Pierre : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime »… Toi, mon ami de et pour toujours.
Amen. Alléluia !
Frédéric Kienen