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Photo du rédacteurMichel Teheux

34e dimanche du temps ordinaire

Évangile de Matthieu (Mt 25, 36-41)



Dieu à visage découvert



Grande fresque de l’Évangile de Matthieu : le signe du Fils de l’homme apparaît, et c’est le rassemblement général des aimés de Dieu, qu’il va chercher aux quatre coins de la terre. Un grand mouvement d’unité, un souffle œcuménique animent cette vision. Le pasteur rassemble son troupeau au bercail.


Étonnant face-à-face, décisif, sans appel où se termine aujourd’hui l’année liturgique, et demain se décidera l’éternité de chaque homme ! Face-à-face bouleversant dans sa simplicité : le Fils de l’homme juge l’homme en lui demandant : « As-tu aimé l’homme « ? La rencontre du Roi ne sera pas ce que nous imaginions : ce n’est pas dans la fulgurance du ciel que les hommes auront l’entrevue décisive. Le face à face est pour aujourd’hui, car, depuis le jour où Pilate s’est écrié : Voici l’Homme » ! Dieu a fait cause commune avec l’homme. Prodigieux déplacement : le visage divin, c’est le visage humain. Dieu, depuis les jours de Noël, a planté sa demeure chez les hommes, et il a pris nom d’homme, Dieu de Jésus, Emmanuel. Voilà l’homme, voilà Dieu !


Le Dieu de Jésus est quelque part : il n’est pas actuel, il se manifeste dans cet homme dont il dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » ! Dieu de cet homme-là qui s’assied à la table des pêcheurs, touche les lépreux excommuniés de la société des hommes, pardonne aux rejetés pour qui ne s’ouvrait aucun souvenir. Dieu de cet homme-là couvert de crachats d’avoir trop partagé les souillures des hommes, écrasé sous le poids de la croix d’avoir trop porté l’injustice face à l’homme.

« Voici l’homme » ! Pilate rendait son jugement, et Dieu atteste le sien : « Ce que vous aurez fait au plus petit, c’est à moi que vous l’aurez fait » ! Si j’en crois ce que Jésus dit de la vie et du bonheur, Dieu n’est pas n’importe où : il est là où des hommes prennent la défense de l’homme, où des hommes et des femmes ébauchent un monde de justice et de paix, où des hommes et des femmes donnent chair à l’amour.


« Seigneur, quand donc avons-nous vu ton visage » ? Parole de paix pour ceux qui ont donné leur vie à la cause de l’homme, car Dieu n’est pas à chercher ailleurs.

Parole tragique pour ceux qui ont prié sans aimer, qui ont pratiqué la religion sans pratiquer la justice, qui ont voulu gagner l’éternité en se détournant de la terre.

Dieu est pour l’homme, avec l’homme, et nul homme n’a le droit de ne pas être un homme, de ne pas aimer tout homme.


Celui qui aime sera béni ! Aimer, c’est-à-dire voir l’autre avec les yeux du cœur.

Quand nos yeux verront Jésus Christ face à face, nous contemplerons le visage de tous ceux que nous avons aimés, grande icône faite de milliers de visages d’hommes.

Ce que nous aurons fait sera peu de chose, mais ce peu est signe d’un grand amour, celui que Dieu même met en chacun de ceux qui se confient en lui. Et ce peu de chose, s’il ne change pas l’univers, donne, plus que nos discours, un sens, une direction qui fait pressentir un salut. Ce jour-là sera révélé l’immense portée de ce qui paraissait caché, anodin, quotidien.

« Ah, Seigneur… je ne savais pas » !

Cri d’émerveillement de celui à qui il est donné désormais de voir.


Jour du jugement, jour du dévoilement. Au fronton de nos cathédrales, les sculpteurs l’on taillé dans la pierre. J’aime ces « jugements derniers » aux tympans séculaires de nos églises.

Je les aime, parce que la foule des chrétiens, des touristes, ne cesse de les regarder, de se refléter en eux, d’y trouver son horizon. Ce sont des bouquets de visages autour du seul Visage. Mais attention ! L’horizon n’est pas celui du crépuscule des temps, et Dieu ne sort pas d’un ciel d’indifférence.

C’est aujourd’hui que se déroule la scène grandiose, et le Christ au-dessus du portail regarde vers la ville…


Michel Teheux




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