Un programme pour une société nouvelle
On s’en vient encore trouver Jésus : les sectes, les groupes se suivent, et tous cherchent un appui pour leur thèse ou une astuce pour prendre eau piège le Fils de Dieu. « Maître, quel est dans la Loi le plus grand commandement « ? Au temps de Jésus, et dans les années où Matthieu rédige son évangile pour des chrétiens venus du Judaïsme, la question était redoutable. On dénombrait 365 défenses, autant que de jours dans l’année, et 248 commandements, autant que de composants du corps humain !
Voilà cde qui devait diriger la vie du Juif pieux, et les rabbins s’efforçaient de montrer l’importance de chaque commandement comme de chaque défense. La question était périlleuse, et, si on la pose à Jésus, c’est « pour le mettre à l’épreuve ».
La réponse du Christ est simple et tout à fait traditionnelle : il se contente de répondre par l’admirable texte que tout Juif pieux, sincère connaît par cœur : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Tu aimeras ton prochain comme toi-même « ! Rien de nouveau donc, et cependant Jésus repousse le piège en bouleversant radicalement les données de la question.
Pour Jésus, il ne suffit pas d’une réglementation, même lumineusement simplifiée, qu’on pourrait observer comme les codes de lois ; il s’agit de revenir à l’essentiel, qui n’est pas de l’ordre de la loi, mais du cœur. « C’est le cœur que je veux et non les sacrifices », disait déjà l’Ancien Testament. Le programme de la vie nouvelle ne peut se réduire en des « il faut » ou des « tu dois » ; la loi nouvelle, c’est désormais l’interpellation d’un visage. Jésus arrache l’homme à l’obsession des tabous et des observances, aux entraves des peurs intimes et des étroitesses sociales. La sève de toute morale, ce n’est pas la conformité à des normes : c’est l’amour, qui rejoint des êtres vivants. Jésus dénonce tout qui peut détourner le regard de l’essentiel ; les rabbins avaient placé des écrans entre l’homme et l’exigence de Dieu : il faut désormais regarder Dieu et les hommes. Il s’agit moins d’être en règle que d’aimer.
Aimer Dieu avec tout soi-même. Et l’amour est une passion, non un devoir.
Aimer Dieu comme on aime la vie. Avec ivresse et engouement, sans raison ; aimer Dieu avec démesure ! Et puis, aimer son prochain comme soi-même… Non pas se faire une raison et « tolérer » l’autre, mais se laisser porter par une tendresse infinie vers celui que Dieu regarde comme moi, avec une passion qui va jusqu’à mourir d’aimer ?
Sont-ce là des mots ? Mais, s’ils devenaient réalité, quelle révolution !
« Tu ne maltraiteras pas l’émigré » », dit l’Écriture. Hommes arrachés à leur terre natale par ces vastes mouvements de migration, à la recherche de lieux de travail ; hommes malmenés qui deviennent tout-à-tour personnes déplacées, exilés politiques, réfugiés, victimes de conflits armés, « traîne-misère » rejetés dans touts les bidonvilles du monde…
Et que dire, sinon de l’usure, du moins de cette civilisation basée sur le crédit, l’endettement, la consommation qui nous entraîne vers des comportements égoïstes, quand ce n’est pas durs et sans pitié ?
Des mots, tout cela ? À vrai dire, un programme irréaliste, car, « où irait-on, Monsieur, si on se mettait à aimer » ?
Jésus simplifiait la loi… Peut-être eût-il mieux valu pour nous continuer à respecter les 248 commandements ? On aurait su où cela nous menait !
Quant à l’amour, il ne peut conduire qu’à la croix, mais aussi au matin de Pâques !
Michel Teheux
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