Évangile de Matthieu (22, 1-10)
Faire part
Ramassez les gens sur les places pour remplir une salle de noces !
La parabole fait sortir de l’habituel et du déjà-vu : elle est scandale et provocation.
La parabole parle de Dieu ; Et, pour Jésus, Dieu n’est pas une idée ni une doctrine. Pour Jésus, Dieu « se raconte » : ce sont les gestes de Dieu qu’il faut proclamer.
Comme les troubadours qui, au Moyen-Age, chantaient les hauts-faits des chevaliers dans d’interminables chansons de gestes. Jésus parcourt la terre d’Israël pour chanter le geste du Père : « le Royaume est comme ce qui arrive, dans cette histoire que je vous raconte… » les histoires sont maîtresses de vie et l’enfant apprend le monde dans le conte et l’aventure.
Dieu est comme un roi qui a préparé les noces de son fils, dans la fièvre caractérisant les jours qui précèdent la fête. Le Roi a envoyé dire : « tout est prêt pour le festin ». Mais le parfum de la cuisine pourra être alléchant, la table bien mise, les lampes allumées et les fleurs pourront embaumer la salle de fête, il manquera au repas essentiel : les invités ne sont pas venus ! Imaginez donc la grande table du roi sans convives ! Ceux que l’on attendait, les vieilles connaissances, les amis, les parents sont restés sourds à l’invitation. Ceux qui se considéraient comme les familiers de Dieu, les pharisiens, les grands prêtres ont refusé l’invitation ! Et Dieu se retrouve seul avec son repas… Va-t-il éteindre les lampions ? Non, Dieu fait guérir les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. Il n’y aura pas d’exclus à la grande fête : chez Dieu, désormais, la table est mise pour tout le monde.
Dieu est une histoire, un geste, une action… Dieu invite, Dieu ouvre la salle du festin. Prendront place à table : des Zachée, des Matthieu, des Marie-Madeleine, l’aveugle de Siloé et le paralysé de Capharnaüm, le samaritain guéri et l’adultère pardonné. Dieu fêtera les noces de sang entre son Fils et l’humanité.
Aujourd’hui, Dieu parcourt les places. Est-il donc vrai que nous sommes invités au repas royal de Dieu ? Être invités aux noces du fils du roi, à la table pascale ?
Vous n’y pensez pas ! Mieux vaut trouver un prétexte convenable et ne pas y aller…
Ah ! Si l’humanité savait l’ambition de Dieu sur elle ! Si l’on prenait au sérieux, sur la terre, l’invitation de Dieu ! La fête serait sans fin… Qu’il est encore loin, ce festin de noces ! Pour évoquer le commencement du monde, la Bible nous parle du chaos et pour en esquisser le terme, elle nous montre une ville lumineuse, la Jérusalem d’en-haut où Dieu rassemblera tous les peuples sur la montagne de Sion pour un festin de viandes grasses et de vins capiteux.
Tout est prêt ; rien n’est prêt puisqu’il faut répondre à l’invitation. Où en est l’humanité dans cette pauvre marche destinée et douloureuse du chaos initial, toujours menaçant, vers le repas de la Jérusalem de Dieu ? Il suffit de regarder vers la Jérusalem de la terre pour savoir que le monde des hommes est encore chaos et que la cité de Dieu, Jérusalem de paix où se découvriront frères et bien-aimés dans l’amour du Père de tendresse, la cité de Dieu est encore marquée du sang de la vile des hommes, déchirée par les souffrances et les rancunes séculaires.
Humanité boiteuse, estropiée, aveugle, c’est cette humanité-là que Dieu invite aux noces, non une terre de rêve. Et la joie ne sera pas l’exubérance factice et sans lendemains des repas d’affaires et sans âme. Ce que l’on dira ne pourra se comparer aux conversations de salon. Non, la joie sera à la mesure de l’étonnement de se retrouver là, dans la salle des noces, malgré nos handicaps et nos détresses et on se racontera le geste de tendresse de Dieu. Repas d’Alliance où le corps livré du Seigneur dit la gratuité de notre appel.
Oui, nous sommes invités aux noces d’une humanité déchue, pauvres hommes que nous sommes, « enfants de prostitution » comme disent les prophètes (cfr Osée).
Folle ambition de la foi, fondée sur une histoire, qui est le rêve de Dieu.
Michel Teheux
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