Évangile selon saint Marc 8, 27-35
22 septembre 2024
Le chemin de croix est engagé. À travers la Galilée, Jésus emmène ses disciples, mais en secret. Il est dépassé, le temps où il parcourrait villes et villages pour jeter au grand vent la Parole de Dieu, le temps des semailles est loin désormais, la moisson sera ailleurs. Fini l’enthousiasme des foules et la joyeuse exubérance que suscitent les annonces un peu folles.
Tout semble perdu, le Maître tient de noirs propos : « Il faut que le Fils de l’homme soit livré » ! Les disciples sont désarçonnés : « Nous avions tant espéré que celui-là délivrerait Israël » ! Il faut prendre des décisions à la mesure de l’urgence : qui va diriger le mouvement ? Les pronostics vont bon train : si Pierre a été rabroué, un autre peut sans dote tenter sa chance ! « Qui d’entre nous sera le premier ? Ils ont encore bien de choses à apprendre et il leur faut encore faire l’expérience de la nouveauté de la Parole de Jésus : « Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers ».
À Capharnaüm, « à la maison » - qui avait connu la ferveur des foules et l’enthousiasme des commencements – Jésus, de nouveau, va parler, en paraboles, comme d’habitude, Jésus prend un enfant et le met debout, au milieu. Voilà le Prince du Royaume. Car, n’est-t-il pas vrai, la graine de sénevé est la plus petite des graines du jardin, mais elle deviendra un arbre où les oiseaux feront leurs nids. « Le Royaume n'est pas révélé aux sages et aux habiles », mais à ceux qui savent découvrir les secrets de la germination. Les grandes personnes – qui ne prétend l’être ? – se soucient de tout et de rien, se font des cheveux gris et s’affairent, toujours pressés, calculant le pourquoi et le comment, le rendement et l’utilité. L’enfant aime la fleur qui aujourd’hui s’épanouit et demain sera desséchée par le vent. Le Royaume dont le prince est un enfant ne sera jamais fondé sur le calcul et l’habilité, mais sur la grâce et l’étonnement. « Lorsque vous aurez tout fait, dites-vous que vous êtes des serviteurs inutiles »
Seul l’enfant est grand parce qu’un autre le met debout. Les grandes personnes prétendent toujours se débrouiller toutes seules. Le Royaume dont le prince est un enfant appartiendra à ceux qui ressemblent à ces petits. Seul y entrent ceux qui ont l’impertinence des enfants qui « ne font pas de manières » : heureux les cœurs simples, ils deviendront familiers de Dieu. Seuls auront une place dans le Royaume ceux qui, comme les enfants, n’arrêteront de frapper à la porte que l’on ne leur ait ouvert. Heureux ceux qui ont l’entêtement des enfants, Dieu ne pourra leur résister ! Deviendront citoyens des cieux ceux qui, comme les enfants auront l’audace de donner franchement la main et s’en remettront sans reprise à celui qu’ils acceptent comme guide. Heureux ceux qui s’abandonnent à la miséricorde de Dieu, ils seront conduits au-delà de ce qu’ils avaient espéré.
Au milieu des disciples qui raisonnent comme les grandes personnes et se disputent les lambeaux du pouvoir, l’enfant est là, signe de la vie qui commence.
L’homme qui prétend occuper la première place se ferme l’horizon, il n’a plus l’avenir devant lui ! L’enfant, lui, est grand de tout l’avenir qu’il a à accueillir.
Le Royaume est celui de l’espérance et de la vie.
« Si quelqu’un veut être le premier qu’il soit le dernier et le serviteur de tous »
Les grandes personnes bâtissent leur royaume de pacotilles sur la force et l’abus, la violence et l’exploitation. L’Évangile fonde le Royaume sur les enfants sans défense et sans pouvoir. Jésus renverse le chemin : il faudra marcher derrière lui comme l’enfant qui suit partout son guide.
Être le dernier ne sera pas une humilité de commande, mais le signe de celui qui s’en remet à celui qui trace le chemin, un geste de marche.
Michel Teheux
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