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Photo du rédacteurMichel Teheux

21e dimanche du temps ordinaire

Dernière mise à jour : 13 sept. 2023

Évangile de Matthieu (16, 13-20)



Des coups de cœur


« Qui es-tu » ?

Au désert, là où est née la foi d’Israël, Moïse avait posé la question : « s’ils me demandent ton nom, que leur dirai-je » ?

Et Dieu avait répondu en rappelant une histoire, l’histoire d’un amour : « Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de vos pères ».

« Qui es-tu » ?

Seule une histoire d’alliance, l’aventure communie, la vie en commun, en partenaires, pourra dire le nom de Dieu et Dieu s’appellera Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Moïse, de Jésus, Dieu qui porte le nom des hommes à qui il se révèle et qui leur donnent leur foi.


« Qui suis-je pour vous » ?

La réponse n’est pas donnée dans les catéchismes séculaires, ni dans les traités de théologie: à ceux qui considèrent le christianisme comme l’adhésion à un ensemble cohérent de vérités, à ceux qui réduisent la foi à une règle morale – aussi élevée fut-elle – l’Évangile apporte un démenti formel.

Jésus avait, sans doute, dit bien des choses à ses disciples. Mais au moment solennel de poser les fondements de son Église, ce n’est pas cela qui importe. Il ne demande pas ce qu’ils ont retenu, il n’exige pas un bilan des efforts entrepris.

« Pour vous qui suis-je » ? Là est la question de la foi et la question de Jésus ne porte ni sur ses activités, ni sur ses qualités, mais sur son identité. Elle ne demande pas une réponse orthodoxe, elle n’exige pas un comportement conforme : la réponse est toute entière dans un regard et dans la connivence qui y trouve sa source. « Tu es le Messie, Tu es Pierre ».


Qui pourra nous dire la force du regard et qui pourra décrire ou épuiser ce qu’un regard peut engendrer ? Toute une vie y est condensée ; au long des années les mots pourront bien essayer de traduire l’éblouissement de ce regard, ils ne seront jamais à la mesure de ce que ce regard a dit, dit et dira ; au long des années, une vie en commun pourra mettre en force cette connivence initiale, elle ne pourra jamais incarner pleinement cette conviction première, fondatrice d’être l’un pour l’autre, d’exister seulement soi-même dans cet échange. Le regard est créateur, il est naissance.


Que serait notre foi si d’abord, il n’y avait cet éblouissement, cet émerveillement, cette séduction du premier regard ?

« Tu es le Christ, Tu es Pierre « !

Séduction mutuelle qui nous fait dire des mots que nous ne comprenons pas encore, qui nous fait nous engager sur une voie que nous ignorons encore. Que serait notre foi si elle n’avait la force de ce premier regard ? Il lui manquerait l’essentiel : elle serait peut-être orthodoxe ou conforme, elle ne serait pas une relation vivante. Il lui manquerait l’essentiel et, pour tout dire, elle n’existerait pas : elle pourrait bien être des affirmations justes, une habitude de vie, elle ne serait pas ce qu’elle est : un amour.


« Qui suis-je » ?

Mystère de Dieu qui ne se définit pas en lui-même, mais qui ne peut dire son nom que dans un regard échangé. Dieu, contrairement à ce que nous pensons, n’existe pas en lui-même ; pour être il a besoin lui aussi de s’entendre dire son nom. Dieu pour être Dieu a besoin de s’entendre appeler, regardé. Il n’existe que parce qu’en lui-même, le Fils l’appelle Père et il n’existe que parce que des croyants lui disent : nous t’aimons. Telle est la vérité de l’alliance et la rencontre en dehors desquelles il n’y a pas de foi.


Séduction du premier regard qui, l’espace fulgurant d’un moment, nous fait entrevoir et saisir d’un coup tout le mystère de l’autre.

Séduction d’un regard qui ne serait qu’une illusion passagère si elle n’affrontait la réalité de la durée.

Que serait un premier regard s’il ne se prolongeait dans tous ceux qui suivront ?

Ce ne serait justement qu’une séduction et une relation faussée, viciée dès le départ. Le premier regard en gros de ceux qui jour après jour, année après année, en seront le prolongement et l’épanouissement.

Regards émerveillés de la découverte renouvelée.

Regards surpris et étonnés à qui sont révélés de nouvelles facettes de l’être aimé.

Regards douloureux dont l’autre a trahi les espérances.

Regards souffrants de ceux qui sont incompris ou qui ne comprennent pas.

Regards confiants de ceux qui s’offrent encore, à nouveau.


Notre foi est tissée de ces milles regard émerveillés, étonnés, douloureux, souffrants, confiants. Car en dehors de l’amour, elle n’est rien.


« Qui suis-je » ?

La question est relancée jour après jour. Parce qu’en dehors de cette question Dieu n’existe pas et nous n’existons pas.

Et le jour où enfin elle trouvera une réponse définitive, nous serons dans les brais de Dieu : nous existerons en Dieu et Dieu existera en nous.

Pour l’éternité. Ce sera cela, le paradis.


Michel Teheux




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