"Qui est mon prochain ?"
- Michel Teheux

- 11 juil.
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Dernière mise à jour : 13 juil.
15e dimanche du temps ordinaire - 13 juillet 2025
Évangile selon saint Luc 10, 25-37

« Écoute la voix du Seigneur ton Dieu » !
Le ton est à la prière plus qu’à l’obéissance. Bouleversement de l’histoire religieuse des hommes : Dieu prie l’homme de s’engager dans la voie de son Alliance !
« Vois et fais de même » !
Que Dieu aime sa créature, qu’il soit son Père, son protecteur, son patron, c’est ce que des spirituels de l’Antiquité avaient pressenti, sinon clairement exprimé. Mais que des hommes soient invités à aimer Dieu, cela ne pouvait être que le fait du Dieu de la Bible. Tout se passe dans la Bible comme si Dieu révélait, dans la Torah, l’exigence de l’amour parce qu’il a besoin, lui, d’être aimé. Un seul mot dit tout cela. Il est comme le condensé de l’Alliance : la Loi n’est pas une prescription, la charité n’est pas un devoir ou un règlement, l’Alliance est un « attachement ».
Quand on n’a que l’amour à offrir en partage.
La route descend, très vite. Elle va de la capitale où règnent les prêtres à la ville pour où les fils d’Israël étaient entrés en Terre Promise. « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ». Il laisse derrière lui Jérusalem, fièrement campée sur les hauteurs, derrière ses murs, et Béthanie discrète et tendre.
Il va vers Jéricho qui étale les charmes de ses bougainvilliers rouges et violettes et les splendeurs de ses flamboyants éclatants. Il tomba sur des bandits ; le voici sans défense sur une route déserte.
Passe un prêtre. Pour éviter ce demi-mort, peut-être tout à fait mort, il traverse. Le prêtre a ses excuses, il est vrai, la loi sacerdotale lui défend de se souiller au contact de la mort. Et puis… pendant des jours, il est monté à l’autel, il a offert les sacrifices, chanté les psaumes, récité la Loi…
Il en a le cœur plein. Serait-ce cela qui empêche d’être saisi de pitié ? Passe un lévite. Lui aussi se hâte vers le service du Temple qui l’appelle.
Passe un samaritain, un réprouvé, un faux frère, un schismatique. Et c’est cet exclu, ce compté pour rien qui se penche vers l’homme. L’excommunié se fait homme de communion.
L’hérétique devient l’homme selon Dieu. Car il se penche sur un homme : Dieu aime celui qui a du cœur.
C’est à l’intention du docteur de la Loi que Jésus a raconté cette parabole.
« Qui est mon prochain ? Jusqu’où s’entend la Loi ? Jésus répond : Jusqu’où l’amour te poussera-t-il à te faire proche des hommes ? »
La réponse constitue un vrai détournement de la question.
Car Jésus rend à la Loi son sens premier : elle est une orientation, elle ouvre un chemin. Elle est la Voie et non le règlement, elle indique un sens au lieu d’être un code qui enferme et emprisonne. « La Loi est dans mon cœur ».
Le lévite et le prêtre sont moins des méchantes gens que des hommes religieux appliquant la règle. Ils nous décrivent sous notre face non évangélisée.
« Qui est mon prochain » ? La Loi devenue règlement délimité organise un amour raisonnable. L’Évangile renverse la logique étroite et rend à la Loi sa valeur de rédemption ; elle tend à faire participer à l’Alliance puisqu’elle nous met au diapason de Dieu. L’amour n’a qu’un modèle : la charité de Dieu qui ne codifie pas sa tendresse : il n’a en effet que l’amour à offrir en partage, puisqu’il est l’Amour.
Seul Jésus pouvait découvrir le sens véritable de la Loi, car seul, il est l’interprète véritable de Dieu, son porte-parole, l’autre image de lui-même.
« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ». Bientôt Jésus va monter en sens inverse. Il ira à Jérusalem. Et il sera un homme rejeté, bafoué, couvert de sang, pendu au bord du chemin et laissé pour mort.
L’ordre et la Loi, le bon sens et la bonne conscience seront enfin rétablis. Ce sera Dieu que l’on obligera au silence.
Car Dieu n’a que l’amour à offrir en partage.
Michel Teheux



