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Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Quinzième dimanche du temps ordinaire

Dernière mise à jour : 13 sept. 2023

Évangile de saint Matthieu 13, 1-9



Les grandes semailles inutiles


Vous avez compris, dans cette parabole, que celui qui sème, c’est Dieu ; ce qu’il sème c’est sa Parole et que l’endroit où il sème, c’est en nous.

Dieu sème en dehors du champ, sur le chemin et les oiseaux viennent picorer les graines ; comme en nous, parfois, un esprit mauvais détruit sa parole d’Amour. Qui ne se souvent pas avoir dit des méchancetés alors qu’il n’était plus lui-même ? véritablement hors de lui ?

Dieu sème là où il n’y avait pas beaucoup de terre ; comme nous disons parfois qu’une parole entre par une oreille et sort par l’autre. Dieu a beau nous donner des signes d’Amour, nous ne les percevons pas. Et peut-être avons-nous déjà été confrontés à des gens dont nous avons voulu le bien et qui ne l’ont pas compris.

Dieu sème là où il y a des ronces ; on l’écoute, mais que surviennent les difficultés, les drames et, parfois, on étouffe en nous le commandement d’aimer. C’est le cas des gens qui souffrent, qui ont peur, qui voient tout en noir et ne parviennent à plus rien aimer le monde. Parfois même plus leur propre vie.

Dieu sème aussi dans la bonne terre. Alors sa Parole s’incarne véritablement en nous et son Amour, à travers nous, donne du fruit. C’est le cas des personnes rayonnant de l’Amour de Dieu, des personnes heureuses dans leur foi.

À lire cette parabole, ne peut-on pas penser que Dieu est un très mauvais semeur ? Il sait qu’il sème sur le chemin, là où il n’y a pas assez de terre et parmi les ronces. C’est ce que Jésus nous dit.

Je ne sais pas si vous vous souvenez d’une émission qui s’appelait « Les grands travaux inutiles » de Jean-Claude Defossé ? C’est un peu l’impression que nous avons : Dieu fait de grandes semailles inutiles ! À quoi bon semer parmi les ronces ou là où on sait que rien ne poussera ? À quoi bon gaspiller des graines dans des endroits qui ne donneront aucune récolte ? À quoi bon aimer ceux qui ne nous aiment pas ?

Bien sûr, à semer partout, on finit bien par récolter quelque chose. C’est ce que nous dit la première lecture : comme la pluie ne retourne pas aux cieux sans avoir fécondé la terre « ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat. » Mais à quoi bon arroser en dehors de la bonne terre ? Dans ce même évangile de Matthieu, plutôt (Mt 5, 45), il est dit : « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » et c’est avec cette image qu’il nous demande d’aimer nos ennemis. Pourquoi ?

Pourquoi être gentil avec les méchants ? Pourquoi rester doux avec les sévères ? Pourquoi encore aimer ceux qui ne sont pas aimables ? Pourquoi encore donner de l’attention et du soin quand, humainement, tout semble perdu ? À quoi bon aimer puisque nous n’en retirerons rien ?

Parce que l’amour qui fonctionnerait sur un principe de donnant-donnant, un amour qui ne se donnerait que lorsque c’est utile, un amour qui chercherait toujours son profit – je t’aime lorsque tu m’aimes et je ne t’aime pas lorsque tu ne m’aimes pas – ce n’est pas vraiment de l’amour ; c’est du commerce, de l’échange, un amour calculateur, sans générosité.

Que Dieu sème parmi les ronces ou là où il n’y a pas de bonne terre est le signe de son abondante générosité. Dieu aime ceux qui ne l’aiment pas. Dieu aime ceux qui font le mal. Dieu aime ceux qui sont perdus. Dieu aime ceux qu’il ne sert à rien d’aimer. Dieu nous aime, même lorsque nous ne nous aimons pas.

Et cette absolue générosité de Dieu, ces grandes semailles parfois inutiles, sont pour nous le signe d’une immense espérance. Parce que la mauvaise terre c’est parfois nous. C’est vrai que nous sommes parfois sourds, incapables d’apprécier l’amour que d’autres nous donnent. C’est vrai que nous sommes parfois parmi les ronces, pris d’un esprit mauvais qui rejette les paroles aimables. C’est vrai que nous sommes parfois submergés par la souffrance et que l’amour ne prend plus en nous racines.

Ce que nous enseigne la parabole du semeur c’est que dans toutes ces situations, nous sommes aimés par Dieu. Ce que nous enseigne la parabole du semeur c’est de garder espoir, même si nous ne percevons plus rien de lui. Garder espoir si la souffrance nous fait parfois oublier son amour. Garder espoir même si nous pensons que c’est inutile et que nous sommes perdus.

Dieu est le champion des grands travaux inutiles : il sème là où personne ne pense qu’il puisse encore y avoir du fruit. Alors même que tout semble voué à l’échec, Dieu, lui, garde espoir et sème encore l’Amour.

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain




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