Évangile de saint Matthieu (11, 25 - 30)
Trouver la paix
Le propos des lectures de ce dimanche est certainement de trouver la paix. Dans l’Évangile, Jésus dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » Dans la première lecture, le prophète Zacharie annonce la venue d’un roi libérateur qui « brisera l’arc de guerre, et proclamera la paix aux nations. » (Zacharie 9, 10) – ce roi que nous le discernons comme le Christ. Enfin, nous verrons que dans l’Épître aux Romains, saint Paul nous donne le moyen de la paix.
L’Évangile de Mathieu introduit le passage que nous venons de lire par toute une série de guérisons : le serviteur d’un centurion, un paralytique, deux possédés. L’évangéliste a précédemment montré que Jésus apaisait les éléments : la tempête, la mer. Enfin, juste avant la lecture d’aujourd’hui, Jésus a comparé la rencontre avec Dieu à un banquet de noces. Enfin, voici la paix : « devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. » En substance, le Christ nous dit : le Royaume de Dieu est plus accessible aux humbles qu’aux sages et aux savants ; je suis cette présence divine, venez à moi et vous trouverez la paix.
Matthieu lui-même a été guéri par le Christ. Il était, en effet, collecteur d’imports – ces gens sont alors détestés comme le sont les traîtres en temps de guerre – et Jésus l’a ressuscité socialement. Même riche, il est de ces tout-petits, de ces gens méprisés, auxquels Jésus propose de faire banquet. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. »
Décodons donc toute cette dynamique de l’Évangile de Matthieu pour notre vie spirituelle aujourd’hui.
Les éléments que Jésus apaise représentent ici les causes de nos peurs : la mer est agitée comme notre cœur ; la tempête est celle de notre esprit. Ce que l’évangéliste nous dit : c’est que Jésus est maître des éléments qui parfois nous effrayent et que, si parfois ils se déchaînent, néanmoins ils lui obéissent. Jésus, par sa parole, apaise en nous les tempêtes.
Dès lors, il guérit toutes les infirmités : les possédés qui sont évidemment des réprouvés, mais aussi les maladies honteuses comme les lèpres ou la paralysie que tous considéraient comme le signe du péché. Enfin, il sauve même le serviteur d’un centurion, c’est-à-dire d’un oppresseur, ce qui est un sacrilège aux yeux de beaucoup. Peut-être pouvons-nous ici trouver quelque similitude avec Jésus qui lave les pieds de Judas. Le centurion le reconnaît lui-même : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri » – paroles que nous redisons tous au moment de communier. Jésus, en effet, se préoccupe des gens « indignes ».
Plus que par de grands discours savants et sages, c’est parce qu’on a été relevé par le Christ, parce qu’il nous a, quelque part, touchés dans notre indignité que la rencontre avec Dieu nous apparaît comme une fête, un banquet de noces. S’épouser, c’est se sentir aimé malgré ses défauts, d’un amour qui les guérit. L’amour de Dieu n’est pas moindre. On mesure l’exaltation d’un lépreux, d’un possédé, d’un collecteur d’impôts qui reviennent à la vie.
Alors, comment trouver cette paix, ce sentiment de noces éternelles que donne le Christ. Saint Paul l’explique aux Romains : il s’agit de ne plus vivre selon la chair, mais selon l’Esprit. Ce que l’Église a trop longtemps interprété comme la nécessité de tuer les passions de la chair, promouvant une fausse image de la paix comme celle d’une absence de sentiments, calme et paisible comme une mer d’huile.
Il ne s’agit pas de frustrer les passions, les sentiments qui nous viennent, ni même le plaisir que nous ressentons – tout cela sont aussi des dons de Dieu. Il ne s’agit pas de frustrer nos désirs et nos sens, il s’agit qu’il y ait en nous un esprit supérieur qui les gouverne et domine nos passions. La frustration ne fait qu’augmenter l’errance des passions. Ce n’est pas la frustration de nos désirs, mais leur accomplissement par le Christ que nous espérons. Comme il gouverne la mer, la tempête et les vents, il est possible que nos passions lui obéissent, à mesure d’ailleurs que l’Esprit Saint vivra en nous et c’est alors que nous trouverons la paix.
Le joug le Christ nous demande de porter, le fardeau sous lequel parfois nous peinons, c’est tout simplement la vie, avec ses désirs et ses passions. Et c’est la croissance spirituelle – la vie en plénitude – qui rend ce joug facile à porter, ce fardeau léger.
Viens, Seigneur, toucher nos désirs et de nos passions. Fais que ce soit ton esprit qui les gouverne et rends-nous, comme toi, doux et humbles de cœur. Alors nous trouverons la paix.
— Fr. Laurent Mathelot, dominicain
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