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  • Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Touchez-moi, regardez

3e dimanche de Pâques -7 avril 2024

Évangile selon saint Luc (24, 35 - 48)



À l’instar de Marie-Madeleine, nous pouvons voir la Résurrection comme le Christ nous appelant par notre prénom, assis sur la margelle de nos tombeaux vides. Il est là qui nous appelle au creux de tous nos deuils – deuils de nos proches, deuils de nous-mêmes – au creux de toutes les déchirures, souffrances et humiliations qui nous ont changés. La Résurrection ne se comprend intimement qu’à travers toutes nos résurrections. De quelles morts ai-je, comme le Christ, à force d’amour, déjà ressuscité ?

 

Nos corps dépérissent à force de chagrins ; ils se retissent à force d’amour. Les peines, les douleurs et même les maladies se surmontent plus facilement dans un corps pétri d’amour. Il y a toujours une joie d’aimer qui peut l’emporter sur la tristesse de dépérir. C’est par ce biais-là – de l’amour qui déjà nous ressuscite – que nous pouvons mieux aborder la Résurrection du Christ et finalement, au-delà de la mort, la nôtre.

 

Le Christ ressuscité se présente à ses disciples comme une réalité concrète, en ce monde. Dans le passage que nous venons de lire de l’Évangile, il insiste sur sa présence réelle. Il n’est pas un esprit ; il mange. Il est là, en chair et en os, dit le texte, vivant parmi eux, avec son Corps crucifié.

 

« Voyez mes mains et mes pieds. Touchez-moi, regardez. »

 

On a souvent la vision de ce passage comme l’a représenté le Caravage dans le tableau intitulé « L’incrédulité de saint Thomas », qui montre l’apôtre mettant physiquement son doigt dans la plaie latérale du Christ. Il y a quelque chose de l’auscultation médicale représentée dans cette œuvre. Mais il y a plus : la main crucifiée du Christ se saisit littéralement de la main de Thomas pour l’enfoncer dans la plaie de son flanc. « Touche mes plaies », concrètement, physiquement.

 

Ainsi, pour voir la résurrection de près, il s’agit de mettre le doigt sur la souffrance, guidé par la main du Christ. J’ose dire, de manière un peu forte, appuyer avec lui là où ça fait mal.

 

Nous sommes l’Église ; nous disons que nous sommes le corps du Christ. C’est nous qui, avec lui, ressuscitons. Comment mieux toucher ses plaies autrement qu’en touchant nos propres plaies, puisqu’il a dit porter nos souffrances ? C’est au creux de nos propres blessures que nous pouvons le mieux nous rendre compte de ce qu’est la Résurrection. Le Christ nous dit tes plaies sont mes plaies ; ta crucifixion est ma crucifixion ; touche en toi mes plaies.

 

C’est spirituellement difficile – ce n’est jamais agréable de se pencher sur ses souffrances – mais c’est inéluctable. Le Christianisme n’est pas une religion qui nous permet d’échapper à la souffrance, qui pourrait nous anesthésier la douleur – on retrouverait-là la notion d’opium du peuple. Le Christianisme nous permet de transcender la souffrance, de la vivre et d’aller au-delà, pas d’y échapper.

 

Au contraire, il s’agit de toucher ses propres plaies, d’y faire face au lieu de s’en détourner et d’y voir les plaies du Christ : tu es désespéré : le Christ a eu l’âme triste à en mourir ; tu es méprisé : le Christ a été humilié ; tu es crucifié par la douleur : le Christ a enduré la croix. Toutes nos souffrances trouvent un écho dans celles du Christ. Et ce n’est qu’en touchant nos plaies comme ses propres plaies, en y trouvant malgré la douleur encore la force d’aimer, que nous verrons en effet surgir la Résurrection.

 

C’est dans ce difficile exercice spirituel qui consiste à raviver nos souffrances pour mieux saisir la puissance de l’amour qui les a portées, à les toucher à nouveau pour en mesurer la guérison alors que nous voudrions plutôt les fuir ou les enfouir, c’est dans la relecture – j’ose dire presque à vif – de toutes nos épreuves que nous mesurons la puissance vitale de l’amour qui nous traverse, que nous trouvons la force de faire face à nos douleurs actuelles et que nous puisons l’espérance de pouvoir endurer toutes les morts à venir.

 

Le Christ dit : Touche en moi tes plaies. Tes plaies sont mes plaies. Tes chagrins sont mes chagrins. Ta douleur est ma douleur. Ton humiliation est mon humiliation. Touche mes plaies en touchant tes plaies. Alors tu verras combien, depuis toujours, c’est ensemble et par amour, que nous ressuscitons.

 

— Fr. Laurent Mathelot OP



Année B, 3e dimanche de Pâques, Touchez-moi, regardez, 14 avril 2024, LM
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