2e dimanche de Pâques - 7 avril 2024
Évangile selon saint Jean (20, 19 - 31)
Qu’est-ce qu’avoir la Foi ; qu’est-ce que croire ?
Dans l’Évangile, Thomas a besoin d’une preuve tangible de la Résurrection, que le Christ lui donne. Plus tôt, dans ce même chapitre de l’Évangile de Jean (20, 8), il est dit du disciple que Jésus aimait, alors qu’il entrait dans le tombeau vide : « Il vit et il crut ». Et ce qu’il voit, c’est une absence – l’absence de Jésus parmi les morts. Enfin, la lecture d’aujourd’hui se conclut par cette parole du Ressuscité : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».
Clairement les textes nous parlent d’une foi issue de l’expérience pour les uns, et fondée en dehors de tout constat pour les autres.
Remarquons que la science fonctionne aussi comme cela : il y a des choses que nous savons d’expérience – la gravitation universelle vous est sans doute apparue de manière percutante, dès votre première chute – et il y a des choses que nous croyons en dehors de toute expérience personnelle, sur base de témoignages auxquels nous donnons foi : nous n’avons rien vu du Big Bang, par exemple, sinon que certains nous disent en déceler les traces encore aujourd’hui.
Tout discours est un regard direct ou indirect sur des faits, auquel je donne foi ou pas. Il peut m’arriver de ne pas croire ce que je vois – il peut m’arriver de me tromper – ; il peut m’arriver de donner foi à un discours sur des faits dont je n’ai pas été témoin, de croire simplement ce qu’on me raconte. C’est le cas de nombreux disciples du Christ : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».
La foi chrétienne ne se mesure pas à l’expérience directe que l’on fait de la rencontre avec le Christ ressuscité – tout le monde ne vit pas une expérience tels les apôtres dans le passage que nous venons de lire ou Paul sur le chemin de Damas.
Dans la Première lettre de saint Jean, il est dit : « celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu » (1 Jn 5,1). À Nicodème, Jésus dira qu’il faut renaître de l’Esprit (Jn 3, 1-8). Ce terme de naissance contient en lui-même la notion d’incarnation. Naître c’est s’incarner. Jésus est le verbe incarné de Dieu.
Ainsi croire, c’est naître de Dieu et c’est incarner son amour. Vous savez que, dans la Bible, « connaître » revêt un caractère intime et charnel. Quand il est dit qu’Adam connut Eve, on parle bien d’un corps à corps intime au point de ne faire qu’un. Il ne s’agit en rien d’une connaissance par la seule pensée, ni même d’une philosophie de l’amour. Il s’agit de concrètement faire l’amour. C’est exactement cela que signifie, entre époux, se connaître.
Ainsi pour nous, il s’agit de croire que Jésus est le Christ, avec notre corps, avec nos tripes oserai-je dire. C’est cela que signifie être né de Dieu, c’est incarner dans sa chair la vie de l’Esprit. Sans doute savez-vous que le terme « miséricorde » en hébreux fait d’abord référence aux entrailles d’une mère qui sent vivre, en elle, son enfant. L’image est profonde, qui dit que Dieu nous aime avant tout avec ses entrailles, son ventre, sa matrice. Ainsi, croire c’est avoir, nous aussi, Dieu dans la peau. En effet, le texte poursuit : « Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. »
La foi n’est donc pas un énoncé – simplement accepter pour vraie l’idée que Dieu nous sauvera – ni un pari positif portant sur l’espérance – simplement espérer que être sauvés. La foi, c’est éprouver maintenant quelque chose de l’effectivité du salut ; c’est incarner l’espérance aujourd’hui ; c’est vivre quelque part déjà sauvé par l’amour de Dieu.
La foi, c’est aimer Dieu. Il y a quelque chose de la légèreté amoureuse à croire en Dieu. Comme, il y a quelque chose de la crainte amoureuse de le perdre.
Ainsi, pour sonder sa foi, la seule question que le croyant doit se poser c’est : « Est-ce que j’aime Dieu ? » Et, à mesure que la réponse sera incarnée, il saura qu’elle est authentique.
Êtes-vous amoureux, amoureuses de Dieu ? L’aimez-vous avec vos entrailles, vos tripes ? Avez-vous Dieu dans la peau ?
— Fr. Laurent Mathelot OP