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Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Famille humaine

Dernière mise à jour : 13 mars

La Sainte Famille - Évangile selon saint Luc (Lc 2, 22-40)



Après avoir célébré Noël et avant l’Épiphanie, la liturgie nous invite à célébrer la Sainte Famille, dessinant ainsi un schéma de progression qui traduit le premier rayonnement du Christ. Dieu d’abord s’incarne et vient au monde. Et, avant que les sagesses du monde, symbolisées par les mages guidés par une lumière lointaine, ne viennent s’incliner devant lui, c’est d’abord sa famille qu’il irradie. Comme tout couple qui accueille son premier enfant…

 

Les choses n’avaient pourtant pas été simples. Le couple a traversé une crise – une crise majeure. Tous deux en effet savent pertinemment que l’enfant n’est pas de Joseph. Tout le monde comprend aisément que, dans le cœur du père adoptif de Jésus, les choses n’ont pas dû être faciles. Joseph a sans doute dû mener un combat intime pour accueillir comme sa propre chair cet enfant qui n’est pas le sien.

 

Pour Marie non plus la venue de son enfant n’a spirituellement pas été de tout repos. On mesure l’anxiété d’une jeune fille à l’époque, qui se trouve enceinte d’une grossesse inexpliquée qui pouvait la conduire à la lapidation. L’Annonciation était un pari risqué de la part de Dieu, que Marie en la refusant ou Joseph en s’en vengeant auraient pu faire perdre. Nous l’avions évoqué lors de la nuit de Noël : elle est fragile l’incarnation de Dieu – fragile parce que radicalement sensible à la résolution de cœur des humains.

 

Pourtant l’enfant né, et Joseph ayant choisi de l’accueillir, on imagine le bonheur familial qui éclot. Ainsi la vie qui émerge aura été plus forte que les craintes personnelles de Marie et de Joseph. Et les textes nous disent que c’est parce que Dieu a parlé à leur cœur et qu’ils se sont laissés toucher.

 

Au-delà du contexte familial, les temps sont aussi fort troublés, l’angoisse parcourt le peuple qui soupire de toutes parts pour une délivrance du joug romain. Il est loin d’être idyllique le climat qui entoure la naissance de Jésus. Hérode est un tyran sanguinaire, dont le massacre des Innocents témoigne.

 

C’est pourtant une famille transfigurée que nous célébrons aujourd’hui, une famille métamorphosée par le rayonnement de la vie divine qu’elle a su accueillir en son sein, une famille qui préfigure la famille humaine que cet enfant est venu rejoindre.

 

Aujourd’hui aussi les temps sont troublés et incertains. Aujourd’hui aussi l’humanité crie autant son désir de salut qu’elle peine à accueillir Dieu. Aujourd’hui aussi, l’humanité a besoin de se laisser transformer par la voix de Dieu qui nous demande d’incarner son amour, de le mettre au monde à travers notre oui.

 

L’humanité est une grande famille aux relations troublées. Nous nous prétendons tous frères pourtant des peuples se déchirent et des fanatismes s’affrontent. Que la famille au sein de laquelle naît le Christ ne soit pas une famille idyllique, mais une famille devenue sainte par l’accueil intime de la parole de Dieu, nous permet cette folle espérance d’une fraternité de tous les hommes. La Sainte Famille n’est pas qu’un exemple de conversion donné aux familles selon la chair ; elle est un exemple de métamorphose donné à toute l’humanité. C’est pour chacun d’entre nous qu’il est difficile d’accueillir l’inouï de Dieu. C’est pour chacun d’entre nous qu’il est difficile de reconnaître notre propre chair comme celle du Christ.

 

Dieu veut rejoindre tous les hommes, chacune et chacun là où ils se trouvent. Mais Dieu ne pourra effectivement rejoindre que les personnes qui se laisseront transformer par son message. Qu’importe l’état spirituel dans lequel nous nous trouvons, qu’importent nos craintes et nos doutes initiaux, qu’importe que le monde tremble autour de nous, Dieu veut naître dans le cœur de tous. L’embrasseront finalement ceux qui l’auront laissé naître et croître dans leur vie, nourri de leur amour.

 

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre « Fiducia supplicans » le nouveau texte du Vatican sur les bénédictions. Chacun, chacune où qu’il soit, dans quelque situation qu’il soit, est a priori béni par Dieu qui désire le rejoindre. Et il sera béni, jusqu’à possiblement devenir saint, à mesure qu’il laissera Dieu s’incarner dans sa vie. De même, toutes les communautés humaines à mesure qu’elles laisseront croître le Christ en leur sein seront bénies. La bénédiction n’est pas tant un état qu’une dynamique spirituelle. C’est avant tout un chemin de conversion et d’engendrement que Dieu bénit.

 

Mais la bénédiction de Dieu ne devient sacramentelle, que lorsqu’elle engendre la vie du Christ. C’est le surgissement de l’amour de Dieu à travers nos vies qui réalise la bénédiction qu’il nous donne. Il ne suffit pas d’être bénis, il faut être saints, c’est-à-dire ne manifester que l’amour de Dieu.

 

Oui, tous les parcours de vie sont a priori bénis puisque Dieu nous veut vivants de son amour. Mais il faut, pour être sauvé, dire « oui » à cette incarnation jusqu’au bout.

 

Que Dieu fasse de toutes nos communautés de vies des saintes familles.

 

— Fr. Laurent Mathelot OP




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