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Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Entendre la voix de Dieu

23e dimanche du temps ordinaire - 8 septembre 2024

Évangile selon saint Marc 7, 31-37



Comment Dieu nous parle-t-il ? Comment comprendre cette affirmation fondamentale de notre foi : « Dieu parle » ? Il a parlé hier, il nous parle aujourd’hui. Entendez-vous la voix de Dieu ? Que vous a-t-il dit récemment ?


Le Christ a parlé. Il a enseigné et formé des disciples. Et nous avons des traces de son enseignement : notre Nouveau Testament. Remarquons d’emblée que les livres du Nouveau Testament ne peuvent pas être lus trop étroitement comme des récits biographiques. Ils nous parlent de l’histoire de Jésus, certes. Ils nous transmettent ses gestes et ses paroles, certes. Mais à des dizaines d’années de distance avec les faits qu’ils racontent. Les Évangiles ont été écrits entre 65 et 100, alors que les derniers témoins oculaires de la vie de Jésus mourraient. Précisément, pour garder trace de leur témoignage. D’ailleurs, nous ne parlons pas des Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean, mais bien des Évangile selon Matthieu, Marc, Luc et Jean, parce qu’ils ont été écrits non par les apôtres eux-mêmes, mais par leurs disciples. Notamment, plus personne ne doute aujourd’hui que l’Évangile de Jean a plusieurs rédacteurs.


Contrairement à l’Islam qui proclame que le Coran a été dicté mot-à-mot par Dieu, nous disons que la Bible est inspirée par Dieu, mais qu’elle est écrite par des hommes. Et par des femmes. Ainsi, le Cantique de Déborah, qui constitue le chapitre 5 du Livre des Juges, est-il sans doute un des plus anciens textes bibliques. Et savez-vous quel est le plus ancien passage du Nouveau Testament, le plus ancien texte chrétien ? Il s’agit de la Première épître aux Thessaloniciens de saint Paul, écrite vers 50. Ainsi, le Nouveau Testament a-t-il été rédigé quelque 30 à 70 ans après les faits dont il témoigne. Si, dans l’Antiquité c’est un délai très court — le premier écrit qui parle du Bouddha, par exemple, date de plusieurs siècles après sa mort — si donc, la tradition chrétienne a été très vite écrite, elle garde une distance de plusieurs décennies avec la vie de Jésus dont elle témoigne.


Enfin, remarquons que tout le Nouveau Testament est écrit en grec, qui n’est pas la langue maternelle du Christ (même si on pense aujourd’hui qu’il parlait effectivement quelques mots de grec). Nos Évangiles sont déjà une traduction de la culture de Jésus dans une langue étrangère. Il convient donc d’être prudent quand on en extrait une citation de Jésus ou qu’on cherche a écrire sa biographie. Par exemple, dans l’Évangile de Jean, il n’est pas crucifié le même jour que dans les autres Évangiles.


Ainsi, force est de constater que nous n’avons aucun écrit de la main de Jésus. Si le récit de la Femme adultère (Jean 8,1-11) dit bien que Jésus écrit quelque chose sur sol, il ne mentionne aucunement ce qu’il écrit. Tout ce que nous savons sur Jésus nous est transmis indirectement, par des témoins. Or tout témoignage est déjà une interprétation.


Dieu nous parle aussi à travers ses témoins au fil des âges : les saints — connus ou anonymes —, les grands penseurs chrétiens, la masse innombrable des fidèles qui se sont confiés à lui depuis 2000 ans.


Dieu nous parle donc à travers l’Écriture et le témoignage des premières communautés ; il nous parle à travers la tradition et toute la sagesse des anciens ; en fait, à travers l’Église — celle d’hier et celle d’aujourd’hui. On aurait tort imaginer pouvoir rencontrer le Christ en dehors de l’Église, c’est elle qui transmet son histoire, ses gestes et ses mots — ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui.


De tout ceci, nous retenons que Dieu nous parle essentiellement à travers autrui.


Dieu nous parle aussi à travers les sacrements, à travers nous-même, à travers notre histoire, notre vie spirituelle, notre progression sainte. Enfin, Dieu nous parle aussi directement. En effet, certains reçoivent en esprit, des intuitions, des songes, des visions, mais aussi des paroles, des conseils qu’ils attribuent à Dieu. Je crois fondamentalement que, dans toutes les paroles que nous entendons dans notre tête, au fond de notre esprit, il n’y a pas que nous qui parlions à nous-même. Il y a aussi des paroles, des pensées qui nous viennent et sont des émanations de l’Esprit-Saint. Il y a — je crois, plus souvent que nous le pensons — des intuitions qui nous arrivent et sont en fait des suggestions de Dieu. Comme je crois tout autant qu’il y a, en nous, parfois, des suggestions d’esprits mauvais.


Aujourd’hui, dans l’Évangile, Jésus guérit « un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler ». Dieu nous parle de multiples façons, indirectement et directement. Dieu nous parle constamment : à travers la Création, à travers l’Église, à travers autrui qui vient à notre rencontre, à travers nous-même. Le sourd de l’Évangile c’est bien souvent nous. Et c’est pourquoi nous éprouvons nous aussi, parfois, beaucoup de difficulté à parler de Dieu et d’amour. La difficulté à dire « Je t’aime » est une surdité à la voix de Dieu.


Alors Jésus dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! »


Ouvre-toi à l’Écriture, à la tradition, au discours des anciens, à l’intercession des saints.


Ouvre-toi à la Création, à l’Église, au prochain sur ta route.


Ouvre-toi aux sacrements, à la vie spirituelle, à ta propre histoire sainte.


Ouvre-toi à Dieu qui te parle dans le secret de ta conscience bien plus souvent que tu ne l’imagines.


Ouvre-toi à l’Esprit Saint, à la vie divine qu’il insuffle en toi.


Ouvre-toi et tu entendras au fond de toi Dieu qui te parle.


 

— Fr. Laurent Mathelot OP



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