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Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Comme des brebis sans berger

Dernière mise à jour : 30 juil.

16e dimanche du temps ordinaire - 21 juillet 2024

Évangile selon saint Marc (6, 30-34)



Quand on prépare une homélie sur les textes d’aujourd’hui et, qu’en tant que prêtre, on se trouve d’emblée confronté à la sentence de Jérémie « Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage… », quand, de plus, on s’affronte honnêtement à la réalité concrète de nos Églises aujourd’hui, dont le moins que l’on puisse dire est que le peuple, au cours des dernières décennies, s’est éparpillé, je dois dire qu’on se trouve forcé à l’humilité.


Jérémie parle au temps où la Terre promise est divisée en deux royaumes, Israël et Juda, avant les assauts de Nabuchodonosor. Il annonce la chute à venir en dénonçant la corruption des pasteurs et des dirigeants, jouets des puissances alentours.


Ces paroles du prophète, dans la première lecture, sonnent comme une interpellation sans complaisance de tous les responsables religieux d’hier et d’aujourd’hui. Évêques, prêtres, et agents pastoraux agissent parfois en contradiction avec la Parole de Dieu qu’ils sont censés annoncer. Aujourd’hui encore, beaucoup de scandales font honte à l’Église. C’est par de tels comportements que les croyants se trouvent effrayés et dispersés.


En écho à cette interpellation du prophète Jérémie, qui annonçait « un germe juste pour David », Jésus se présente lui-même comme étant l’unique pasteur de son peuple, le véritable berger. L’Évangile rapporte qu’il manifeste une attention toute particulière tant pour les foules alentours que pour ses apôtres.


C’est lui qui les a envoyés. Ils reviennent de leur toute première mission. Ils ont annoncé la Parole, appelé à la conversion, chassé les esprits mauvais. Cette mission les a rendus enthousiastes sans doute, mais aussi visiblement fatigués. Jésus est pris de compassion pour eux, qui restent sollicités au point de ne pouvoir manger. « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. », et tous se retirent de la foule en barque.


On conserve de cette image la notion que tout disciple doit toujours embarquer avec le Christ, passer sur l’autre rive avec lui, affronter la tempête avec lui, oser les eaux profondes avec lui. Pour le disciple qui témoigne, il y a toujours cette notion de « on est dans le même bateau que Jésus »…, et il nous invite à affronter nos peurs avec foi, comme lui marche sur les eaux.


Ainsi Jésus et ses disciples fatigués et affamés s’éloignent en barque et pourtant, de partout, les gens les devancent et encore accourent « comme des brebis sans berger » nous dit le texte. Eux aussi affamés d’espérance.


N’est-ce pas précisément le sentiment que nous avons de la situation actuelle ? Il faut se rendre à l’évidence que c’est massivement que les foules errent sans pasteurs aujourd’hui et qu’elles sont prêtes à se jeter dans les bras du premier populisme qui passe, du premier leader placebo qui se présente ou du premier gourou qui témoigne quelque peu d’exaltation.


De même, pour notre Église, les pasteurs aujourd’hui ne sont plus les seuls prêtres – cette vision est obsolète – c’est tout le peuple pratiquant qui est appelé désormais à être pasteur pour le Christ. C’est profondément le sens de la démarche synodale.


Tous ici, qui sommes embarqués avec Jésus dans la même nef, cette Église qui ressemble de plus en plus à un frêle esquif posé sur le tumulte du monde – tous ici : prêtres, religieux, laïcs, hommes et femmes, nous sommes appelés urgemment au service pastoral. Tout bonnement à dire, à témoigner au monde de la valeur qu’à pour nous notre religion et la relation personnelle que nous vivons avec Dieu.


Les temps actuels ressemblent à la fin de journée des apôtres que nous relate ce dimanche l’Évangile : l’Église est fatiguée, peut-être même aimerait-elle aller dans un endroit désert se reposer, au moins se restaurer…


Mais la foule n’est-elle pas là dehors qui nous précède dans la soif de valeurs, de buts essentiels, de perspectives nouvelles et réjouissantes ? N’ont-ils pas soif de sens pour leur vie, soif de direction pour leur espérance, tous ceux du dehors de nos églises dont les repères actuels s’écroulent ? N’est-il pas proprement désenchanté le monde qui nous entoure, errant comme des brebis sans berger ?


Si pour nous, la perspective lumineuse de l’existence se trouve dans cette vie embarquée avec le Christ, frêle esquif spirituel que lui seul dirige finalement, alors notre mission est effectivement d’aller proposer cette espérance au monde, malgré nos faiblesses, malgré notre fatigue.


Il ne s’agit pas de tant de courir embrasser les foules en chantant « Jésus vous aime », ni de les haranguer de retentissants « Convertissez-vous ! » que de témoigner simplement, déjà à notre entourage immédiat, de ce que la religion est importante pour nous et en quoi elle nous est importante.


Ce monde apparaît de plus en plus en plus désenchanté, tant globalement qu’individuellement, et c’est à nous tous ici présents, si notre espérance est véridique, qu’il appartient d’aller lui témoigner de réenchantement, de résurrection, de vie. Précisément de Bonne Nouvelle.

 

— Fr. Laurent Mathelot OP



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