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Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Aimer de tout son corps

2e dimanche du temps ordinaire

Évangile selon saint Jean (Jn 1, 35-42)


Aujourd’hui, la première lecture, du Premier livre de Samuel, le Psaume et l’Évangile nous invitent à méditer sur l’appel de Dieu. De Samuel qui dit à Dieu : « Parle, ton serviteur écoute », à la vocation de Pierre, en passant par le refrain du psaume qui chante : « Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté », après avoir célébré les mystères cachés de l’incarnation divine pendant le temps de Noël, nous entrons avec le Temps Ordinaire, dans la vie publique de Jésus, en méditant son appel à le suivre.

 

Une question que l’on peut se poser d’emblée est celle de l’a-propos de la Lettre de Paul aux Corinthiens parmi les lectures d’aujourd’hui, qui apparaît comme un vigoureux traité de morale charnelle, au milieu de textes évoquant le commencement de l’amitié personnelle avec Dieu. « Fuyez la débauche. (…) l’homme qui se livre à la débauche commet un péché contre son propre corps ». Comme si Paul se devait de doucher froidement, d’un flot de moralisme, la beauté simple de la rencontre primordiale avec le Christ…

 

A contrario, certains chrétiens se trouvent dérangés par les élans enflammés des mystiques. Notamment par saint Jean de la Croix quand il chante : « Ô vive flamme, ô sainte ardeur / Qui par cette douce blessure / Perce le centre de mon cœur » ou par la poésie de sainte Thérèse de Lisieux « Jésus, mon seul Amour, au pied de ton Calvaire / Que j’aime chaque soir à te jeter des Fleurs ! », que certains ont pu dédaigneusement qualifier de « guimauve spirituelle ».

 

Les deux, Paul et les mystiques ont pourtant raison. Oui l’appel de Dieu est un appel à l’amour et cet amour s’entend jusqu’à sa plénitude charnelle.

 

Peut-être vous souvenez-vous du film « Des hommes et des Dieux », de Xavier Beauvois, sorti en 2010, qui raconte l’histoire des moines de Tibhirine, en Algérie. Au-delà du récit, deux scènes m’ont particulièrement frappé – deux scènes spirituellement charnelles. La première est celle du frère Christophe, seul dans sa chambre qui supplie vers Dieu « Aide-moi ! Ne m’abandonne pas ! » et la seconde est celle du frère Luc, le médecin, soulageant le dos du frère Amédée, de gestes tendres et apaisés.

 

Il y a indéniablement un aspect charnel à l’amour de Dieu. Si désormais c’est par l’Esprit Saint que Dieu veut nous rejoindre, la parole de Dieu n’est pas qu’un ensemble d’idées et de mots que nous trouverions spirituellement éloquents. La parole de Dieu, c’est le Christ qui nous appelle à l’aimer – de tout notre esprit, de toute notre âme, mais aussi de tout notre corps. Et c’est à mesure qu’il s’incarnera en nous que l’amour de Dieu nous emportera.

 

Êtes-vous épris d’amour pour Dieu ? Pourriez-vous lui dire dans un élan spontané : « Je t’aime » ?

 

L’amour de Dieu ne se dit pas que de mots ; notre Évangile n’est pas qu’une belle pensée pour mieux vivre. L’Esprit de Dieu qui nous parle doit s’incarner en nous sinon il reste de l’ordre de la théorie, du beau discours, voire de la simple philosophie de vie. Nous sommes appelés à bien plus qu’adhérer spirituellement à la parole de Dieu ; nous sommes appelés à aimer Dieu de tout notre être : corps et âme. Et même à l’aimer plus charnellement que tous ceux qui nous entourent.

 

À la question de Jésus aux deux disciples qui le suivent « Que cherchez-vous ? », ceux-ci répondent « Où demeures-tu ? » Et Jésus leur dit : « Venez, et vous verrez ». L’attitude du disciple c’est de demeurer avec le Christ, de vivre en amitié constante avec lui.

 

C’est ainsi que Paul peut dire « Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint ». En effet, si le Christ est Dieu et que la demeure de Dieu est un temple, alors ce temple c’est le corps avec lequel nous l’aimons. Loin de considérer notre chair sous l’angle de sa faiblesse, de sa pesanteur – comme dirait la philosophie Simone Weil – nous sommes invités à regarder notre corps comme le lieu béni de l’amour charnel pour Dieu, comme un temple où brûlent les flammes de son amour.

 

L’appel de Dieu est un appel à l’aimer de tout notre corps. De tout notre esprit, de toute notre âme, et donc finalement de tout notre corps. C’est la réponse charnelle à l’amour de Dieu qui est la réponse aboutie à son appel. Il ne s’agit pas seulement de se laisser séduire intellectuellement. Il s’agit de s’éprendre de l’amour de Dieu, jusqu’à l’élan charnel d’une réponse authentique.

 

Donne-nous, Seigneur, de tomber toute pudeur charnelle à te dire « Je t’aime ».

 

— Fr. Laurent Mathelot OP




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