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Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Se vêtir de joie

Dernière mise à jour : 7 mars

28e dimanche du temps ordinaire

Évangile de Matthieu (22, 1-14)



Se vêtir de joie



Lorsque Jésus prononce la parabole de l’invitation au festin, il s’adresse une fois de plus « aux grands prêtres et aux pharisiens », c’est-a-dire ceux qui prétendent incarner les institutions religieuses juives et qui ne l’accueillent pas, alors que des gens simples et marginaux – ceux que justement la religion instituée de l’époque réprouvent – eux, l’accueillent. Rappelons-nous l’évangile lu il y a deux semaines et qui s’adressait aux mêmes: « Vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru.


Au moment où Matthieu écrit son évangile, il est question de faire éclater les frontières traditionnelles du culte qui excluaient quantité de réprouvés pour présenter un évangile inclusif, sans frontières. Matthieu (et d’autres avec lui) veut élargir les horizons et dépasser les petits cercles institutionnels où l’on se sent confortablement bien ensemble parce qu’on pense tous la même chose ; qu’on est entre gens qui se ressemblent : non pas du même monde, mais d’un même monde.


Même les premières communautés chrétiennes n’échappaient pas à ce danger de communautarisme et de fermeture à tout ce qui vient de l’extérieur, des « périphéries », des païens et des gens qui ne sont pas comme nous : trop sales, trop mal éduqués, trop étrangers. N’ayons pas peur d’entendre le message de l’évangéliste, d’entendre cet appel à l’ouverture et à sortir de nos ghettos aux multiples visages ! La tentation du communautarisme qui guettait les premières communautés chrétiennes et que Matthieu dénonce à sa manière en adressant un vibrant appel de tous, sans distinction, au festin des noces, est hélas encore bien présente dans notre monde ! Peut-être même plus présente encore à l’heure actuelle qui voit se renforcer les frontières et s’ériger les murs.


L’invitation de Jésus n’est pas seulement une invitation « liturgique ou cultuelle ». Elle dépasse le cadre des célébrations hebdomadaires ! Elle est invitation gratuite, ouverte à l’universel et elle vient bouleverser les habitudes confortables des uns et des autres. Tout le monde a quelque peu tendance à préférer rester entre soi. Tout le monde doit faire un effort pour accueillir la diversité, parfois celle qui nous dérange. C’est ce que Dieu fait dans cette parabole où il convie le tout-venant à participer aux noces de son Fils.


Pourtant, celui qui invite et qui appelle ne force pas la main. Les critères pour entrer dans la salle de noce n’ont rien à voir avec des mérites quelconques, de bonnes œuvres ou de bonnes manières. Tout est de l’ordre de la gratuité, du don sans mesure. Il suffit d’avoir été attentif à un appel lancé par des serviteurs sur l’ordre du roi. Il suffit de répondre positivement à une invitation. Personne ne mérite cet appel.


Comment entendre alors la fin de l’évangile, l’épisode de la rencontre du roi et de l’un des convives ? Les remontrances du Père à l’encontre de celui qui n’a pas revêtu d’habit de noces ne contredisent-elles pas le don gratuit dont nous venons de parler ?


Celui que le Roi appelle « mon ami » reste muet. Peut-être pourtant a-t-il des excuses comme en avaient les invités du début de la parabole, ceux qui ont décliné l’invitation, trop occupés à leur champ ou à leur commerce. Lui est venu, n’a pas revêtu des habits de noces et se mure dans un mutisme, laissant une impression de mépris.


Vous l’avez compris les noces dont il est question ici représentent la venue du Christ parmi les hommes, les invités à la noce sont ceux que le Jésus invite à le suivre et les habits de noces représentent la joie spirituelle qu’il y a à être chrétien.


C’est l’hypocrisie que cette parabole dénonce finalement – celle de ceux qui affirment recevoir la Bonne Nouvelle de la venue du Royaume, qui s’invitent à la joie à laquelle les convient le Christ et qui tirent pourtant une tête jusque par terre – les « faces de carême » dont parle le pape François.


Il y a en effet des personnes qui se prétendent chrétiennes, mais dont l’attitude est un démenti continu à la joie de l’Évangile : ceux-là, précisément qui s’invitent aux noces sans revêtir un habit de fête.


Le don de Dieu, que nous nous avons tous reçu, ne nous dispense pas de traduire en actes, et personnellement, la joie qui l’accompagne. Il est en effet plongé dans les ‘ténèbres du dehors’, celui qui se veut enfant de Dieu, mais reste pourtant étranger à la joie.


Car, comme le dit Paul : « J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force. » Et le psaume chante : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. »


Derrière les malheurs de l’existence, au-delà des drames qui parfois nous accablent, ce qui distingue le chrétien, c’est qu’il reste tendu vers la joie. Célébrer Dieu, c’est avant tout revêtir son cœur de joie.


— Fr. Laurent Mathelot, OP





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