Fête de l'Assomption
Évangile selon saint Luc (1, 39-56)
« On a gagné » ! Le cri a pris des allures d’hystérie : après les souffles retenus, les mains qui incarnent l’inquiétude en crispations nerveuses, les yeux qui se ferment pour ignorer le risque aperçu, c’est le cri qui soulève, sert de détonateur aux gesticulations les plus folles et mêmes royales.
« On a gagné » ! c’est le cri d’étonnement assumé, un cri d’enthousiasme délirant, celui d’un espoir trop souvent démenti et soudain réalisé. Un cri libérateur qui fait passer de l’inquiétude à la joie sans retenue. Un cri éphémère qui, l’espace d’un moment, a cependant des goûts d’éternité. Un cri qui rend légères les attentes impatientes, fait oublier le stress des tentatives laborieuses, la déception des essais avortés. Un cri qui a le poids des accomplissements, la saveur des espérances, la ferveur des enthousiasmes : un goût d’éternité dans l’éphémère, un goût d’achevé dans le temporaire, un goût de ciel sur la terre ! Un cri de victoire et de gloire.
« On a gagné » ! c’est le cri qui monte de notre assemblée en fête en contemplant Marie, la Mère du Sauveur, en son assomption. Marie élevée dans la gloire de Dieu, c’est tout un peuple qui se réjouit parce qu’il trouve dans la victoire de cette femme de chez nous la confirmation de ses espoirs. Notre liesse d’aujourd’hui trouve son origine dans cette conviction qu’en Marie c’est tout un peuple de pauvres que Dieu couronne. Derrière la béatitude que nous adressons à Marie c’est notre avenir, déjà réalité aux yeux de Dieu, que nous découvrons.
« Pleine de grâce, nous t’acclamons » ! La beauté de Marie nous prédispose à croire. Sa beauté n’est pas canonisée par un concours de Miss Univers : elle est « bénie entre toutes les femmes » parce que Dieu a mis en elle toute sa complaisance. Nous la regardons avec vénération : « Le Seigneur est avec toi » ! : elle a toujours secondé » Dieu, elle s’accordait admirablement avec Dieu. Étonnamment voyante parce qu’heureusement croyante. Pleine de grâce parce qu’elle avait le sens de Dieu.
« Heureuse celle qui a cru » ! Marie est l’icône vivante, le signe gracieux de la possibilité – mieux de la réussite – de notre foi. L’Assomption de Marie n’est pas d’abord le couronnement d’une reine, ce n’est pas la revanche des soubrettes des contes de fées. C’est le sacrement de la réussite de tout ce qui a fait sa vie. C’est l’Assomption, l’assumation par Dieu de tout ce qui a fait vivre Marie, c’est la résurrection de ce à quoi elle s’est consacrée dans la ferveur de son fiat.
C’est la consécration de l’effet de la grâce de Dieu sur toute la vie de cette femme. Consécration personnelle, gage de la réussite de notre propre foi : lorsqu’un joueur a marqué pour son équipe c’est tout un stade qui acclame une victoire qu’il s’approprie. « Goal, on a gagné » !
« Je vous salue Marie ! Heureuse qui a cru « ! Goal !
« Heureux les pauvres, heureux les doux, les affamés de justice, heureux ceux qui croient sans avoir vu » !
De notre assemblée monte la liesse de ses supporters, « On a gagné » !
« Je vous salue Marie » Bienheureuse celle qui a cru !
Bienheureux les disciples de son Fils ! Le cri de notre victoire devient alors humble supplication : Sainte Marie, prie pour nous » !
Pleine de grâce, porteuse des annonciations, Marie est aussi notre mère.
Vieille mère usée par les siècles de prière. Comme les vieilles mères qui ne disent rien…
C’est lorsqu’elles sourient qu’elles disent : leurs yeux s’allument comme des braises sous la cendre qui vole… c’est à leurs yeux que l’on sait qu’elles ont le cœur immensément jeune !
Marie, vieille mère qui n’a pas vieilli, Cantiques des Cantiques, prie pour nous.
Veille sur nous : Mère des croyants, apprends-nous à croire parce que l’Esprit assume toutes nos vies ! Que nous puissions enfanter ce que Dieu veut réaliser avec nous ! Prie pour nous jusqu’à l’heure de notre mort, jusqu’au jour où, portés par une foule de supporters confiants et espérant, nous tirerons au but, pour leur joie et pour leur bonheur, lorsque nous nous tournerons vers eux pour crier notre victoire pascale « Goal on a Gagné » !
Michel Teheux
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