4e dimanche de Pâques -21 avril 2024
Évangile selon saint Jean (10, 11 - 18)
Les troupeaux de moutons et leurs bergers ont disparu de nos horizons et de nos souvenirs. Si, quelquefois ils reviennent en nos mémoires, c’est auréolées d’une douce nostalgie, d’un romantisme quelque peut désuet. Les symphonies pastorales, chères au peuple biblique, ne nous impressionnant guère, elles sont d’un autre monde. Et pourtant, quelle vérité derrière ces images, quelle révélation !
Jésus polémique avec ses adversaires habituels, les pharisiens, qui enferment les gens dans l’enclos de leurs doctrines et de leurs règlements. Ce sont dit-il, des voleurs, des brigands et des loups. Ils volent, pillent et détruisent. « Je suis le bon pasteur » ! prétend Jésus, et la vieille image bucolique, chère aux psaumes et aux prophètes bibliques, reçoit une dimension inattendue. « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien » ! ; Dieu, secours de l’homme, providence du croyant, révèle désormais son visage dans cet homme de Nazareth. « Je suis le bon pasteur » et Jésus, pour manifester et incarner la sollicitude du Père aimant, s’en va vers les brebis perdues d’Israël, il court par monts et par vaux pour que soit proclamée la Bonne Nouvelle, il s’inquiète et offre le repos de l’âme à tous les désemparés, aux pécheurs publics et aux gens de rien. « Je suis le bon pasteur parce que je prends soin de mes brebis ».
Incarnation de la sollicitude de Dieu, tel se révèle Jésus. Mais comprenons bien ce qu’elle suppose et ce qu’elle engage.
L’imagerie du « bon pasteur » a sans doute édulcoré la force dramatique du symbole : un petit Jésus bouclé serrant sur son cœur une brebis au regard langoureux est bien loin de la tragique réalité. Dieu n’est pas une impression chaleureuse ou un refuge contre l’angoisse. L’image du « bon pasteur » est plus tissée de risques et de luttes que de sentimentalité bucolique ! Le pasteur livre sa vie pour ses brebis et le berger ne se révélera vraiment qu’au jour où il deviendra un avec son troupeau, l’ayant aimé jusqu’à devenir l’Agneau voué à l’abattoir. La croix n’est pas un rêve et nous ne pourrons jamais nommer Dieu qu’au travers de ce gibet d’infamie.
Je suis le bon pasteur parce que je donne ma vie et parce que je connais mes brebis.
Révélation de la sollicitude de Dieu incarnée jusqu’à la croix. Mais aussi rappel de l’exigence à laquelle l’Église est confrontée.
En ce dimanche où la liturgie nous tourne vers l’unique Pasteur, le Christ, qui livre sa vie en sacrement de l’amour du Père pour son troupeau, il nous faut porter dans la prière la supplication de Celui qui est notre guide : « Priez Dieu qu’il envoie des ouvriers à sa moisson » ! Et sans doute nous faut-il entrevoir ce qui s’esquisse dans les mutations d’aujourd’hui afin de répondre aux exigences des signes des temps.
« J’embauche » ! le mot du cardinal archevêque de Paris, Monseigneur Marty, a fait mouche en son temps ; repris, amplifié par les journaux et les radions, il a revigoré des forces latentes, il a surtout redit l’exigence pour l’Église de se donner les ministres dont elle a besoin. Car que deviendrait une Église sans prêtre ? Par qui, et au nom de qui les assemblées seraient-elles convoquées ? Et le service de l’eucharistie, comment serait-il assuré, lui qui est la pièce maitresse de l’édification du Corps du Christ ?
Et qui aurait la garde de la communion ecclésiale ? En sa personne dans ses faiblesses, elles-mêmes, le prêtre est le signe vivant, le sacrement, que la communauté locale est rassemblée au nom de Jésus-Christ, qu’elle incarne, en ce temps et dans la vie des hommes d’ici et de maintenant, la sollicitude de Dieu pour chacun ; il est l’artisan des liens de charité qui unissent le Corps du Christ tout entier.
« J’embauche ! »… Ainsi se dit, de manière urgente, la préoccupation de l’Église pour rester elle-même.
« J’embauche » ! c’est, pour l’Église, une exigence vitale.
Michel Teheux
Image: Vienna - Fresco of Jesus as good shepherd
Par Renáta Sedmáková